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marane la passionnée

et de finir mes jours dans un couvent à l’abri de tout sentiment humain.

Mais je n’éprouvais nul attrait pour la vocation religieuse. Il me fallait me mélanger avec des humains à l’activité multiple.

Et, pour tout avouer, je voulais revoir M. Descré. Pourtant, j’étais contente de le haïr un peu. Il me semblait que cela compensait la ferveur que je lui vouais.

Soudain, il se profila devant mes yeux. Il était sur « ma » plate-forme. Il contemplait la mer d’un air pensif.

Je m’arrêtai. Je rajustai mon voile autour de mon visage. J’enfonçai mon béret et je resserrai ma cape.

Mon sang battait mes tempes à grands coups. Je ne ressentais plus aucune haine, mais un amour infini. Miracle du cœur.

C’était à cet homme, occupant une si grande place dans mon esprit, que j’allais présenter ma défense. Ses réponses décideraient de mon avenir.

Mes chiens me devancèrent et coururent à lui. C’était déjà un ami pour eux.

Je pris une allure compassée pour arriver à son côté.

— Mes hommages, Mademoiselle.

— Bonjour, Monsieur !

Combien ces salutations étaient cérémonieuses, banales, pour mon âme tourmentée, dédaigneuse de routine. Mais c’était le monde avec ses conventions que je détestais.

Mme Descré se porte bien ?

— Elle est absente pour quelques jours.

Il y eut un silence ; puis je murmurai presque bas :

— Voulez-vous que je vous parle de Mlle de Caye ?

— Il me semble que ce serait fort intéressant.

Sa voix était un peu sourde. Je pensais qu’il était fort désireux d’entendre ce que je pourrais dire, mais qu’il craignait de montrer trop d’empressement. Ce n’est jamais courtois pour une femme quand un homme lui demande de parler d’une autre.

Je commençai :

— Marane de Caye…

Je fus interrompue tout de suite :