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marane la passionnée

— Je suis Marane de Caye !

Mes yeux verts, j’en étais sûre, flamboyaient. Il articula d’une voix rauque :

— Vous, Marane ?

Puis, je compris soudain qu’il était encore plus incorrect pour Mlle de Caye que pour Maria Lespir, d’être seule sur un roc avec un jeune homme. Je fis volte-face sans un mot et je dévalai le sentier, tirée en avant par mes deux chiens qui me tenaient fortement par les cheveux.

J’eus cependant le sang-froid de remercier Dieu tout le long du chemin, tout en lui recommandant l’âme qui s’agitait dans mon corps. La descente était rapide, et mes chiens, fous de joie d’avoir reconquis leurs habitudes, ne mesuraient plus leurs bonds.

J’entendis au-dessus de moi des cris : « Arrêtez ! Vous allez vous tuer ! » Mais, aérienne, je filais comme le vent.

J’arrivai à la maison échevelée, rouge et je me précipitai dans la chambre de ma mère :

— Maman ! Maman ! sa femme, c’était Jeanne de Jilique !

— De qui parles-tu ?

— De Jeanne de Jilique, mon amie, sa femme !

Ma mère me contempla, effrayée.

— Marane, sois plus calme. Tu vas avoir une congestion. Tu es restée trop longtemps en plein soleil.

— Il s’agit bien de soleil et de congestion ! ripostai-je : je te répète que Jeanne de Jilique était la femme de Renaud de Nadière.

— Mais oui, nous savions cela depuis longtemps.

— Tu ne comprends pas, maman ! M. Descré est le mari de Jeanne de Jilique.

— Calme-toi, Marane !

Maman vint près de moi et s’empara du mouchoir avec lequel je m’essuyais le front. Elle l’inonda d’eau de Cologne et me le passa sur les tempes.

— Quel malheur ! Tu as sûrement attrapé un coup de soleil !

— Mais non, maman ! répliquai-je, impatientée.

Puis, dans une détente subite, je pleurai. Maman m’étendit sur sa chaise-longue et s’inquiéta :

— As-tu mal à la tête ?