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marane la passionnée

péniblement, nous allâmes contre le vent. Ce dernier nous cinglait furieusement, mais, joyeuse, j’avançais en promettant à Évariste la récompense de ses efforts.

Nous arrivâmes enfin à l’abri qui était une roche formant niche. Nous nous y blottîmes, pour assister au déchaînement de la tempête, à ses hurlements, ainsi qu’aux caprices des flots.

— Quelle majesté ! murmurai-je, et comme l’on se sent petit !

— C’est terrible !

Nos voix s’entendaient à peine.

— J’ai le vertige, dit Évariste. Crois-tu que cette roche soit solide ?

Je ris :

— Tu es aussi peureux que maman. Jamais elle n’a osé s’aventurer jusqu’ici, bien que je l’en ai souvent priée. Regarde ces deux vagues qui luttent !

— Tu es extraordinaire, elles me font peur !

— On dirait deux monstres qui s’affrontent, que c’est grandiose !

Pendant quelques minutes, nous restâmes silencieux, puis le vent se calma, les vagues diminuèrent, les nuées grises furent balayées. Je donnai le signal du départ.

— Quand j’ai assisté à une manifestation semblable de la nature, dis-je, je me sens des forces nouvelles. Il me semble que je suis le vent ou la mer. Ah ! que je voudrais être le vent qui bondit par-dessus tout !

— Tu demandes trop, répliqua sagement Évariste.

Les deux jours de délai s’écoulèrent vite, puis mon frère s’en alla.

Je regardai sa voiture disparaître, puis, quand je ne la vis plus, je me retournai vers ma mère et je lui déclarai :

— À mon tour, maintenant ! Demain, je pars.

Ma mère me contempla, interloquée.

— N’est-ce pas convenu ? repris-je. Cousine de Jilique nous attend, n’est-ce pas ?

— Elle est prête à te recevoir, mais tu peux penser que cette séparation me coûte.

J’insistai et nous partîmes au jour fixé, après un échange de télégrammes avec Mme de Jilique,