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marane la passionnée

Tout ce que mon cœur pur et tendre avait évoqué de beau, de bon, de grand, était tourné en dérision.

Mon âme combative prit l’offensive :

— Jeanne, voudrais-tu m’éclairer sur l’indiscrétion que tu as commise au sujet d’une lettre que je t’ai écrite ? Pourquoi t’es-tu moquée des paroles qui s’y trouvaient ?… Ne m’aimes-tu donc plus ?…

L’amie que je croyais avoir trouvée me répondit avec impertinence :

— Tu n’es qu’une sotte. Tu aurais pu garder pour toi tes divagations.

— Oh ! moi qui t’aime tant !

Ce fut ce cri que je jetai. Ma bouche était crispée par les pleurs proches. Je devais avoir les yeux hagards.

Il me semblait que la beauté de Jeanne disparaissait à mesure que je la contemplais. Ses yeux si doux, si grands, n’étaient plus que des vrilles aiguës qui transperçaient mon regard. Sa bouche charmante avait un pli méchant et moqueur qui m’anéantit de douleur.

J’eus un vertige et je crus que j’allais m’évanouir. Je me repris pour supplier :

— Jeanne, est-ce vraiment toi en qui j’avais mis toute ma confiance, toute ma tendresse ?

— Tu n’es guère intéressante ! repartit froidement ma cousine.

Et elle me quitta dans un éclat de rire.

Je restai prostrée de longues minutes. Toute l’énergie que je me figurais avoir semblait m’avoir quittée.

J’étais comme assommée dans mon fauteuil. Je croyais avoir fait une maladie dont j’avais peine à me relever. J’étais courbaturée, et à mes oreilles sonnait toujours le terrible éclat de rire si cruel.

Clotilde vint dans la chambre où j’étais. Je fis un effort. Je me mis debout. Ma cousine me contempla. C’était celle que j’aimais le moins. Elle me paraissait moqueuse et égoïste.

Elle me dit :

— Tu as du chagrin, Marane ?

Je ne pus parler, parce que les pleurs affluaient à mes paupières. Elle continua :