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marane la passionnée

— Naturellement, grinçai-je.

— Puis, un jour, il m’a annoncé qu’il resterait ici, qu’il n’avait pas besoin de diplôme. Je lui ai objecté qu’il avait toujours dit qu’il aimerait sortir d’une grande école, afin d’avoir une situation en main. Mais, mes raisons n’ont pas eu gain de cause. H s’absentait des journées entières.

— Avec Chanteux ?

— Je le suppose. La première fois que je l’ai vu ivre, j’ai cru devenir folle ; puis c’est arrivé tous les jours depuis près d’un mois, et je suis désespérée.

Je compris alors l’air accablé de ma mère. Des larmes coulaient lentement comme d’une source.

Après un silence, elle murmura :

— Maintenant, c’est toi qui reviens dans des conditions incorrectes. Qu’ai-je fait pour avoir deux enfants qui me font tant de peine.

Je ne relevai pas cette plainte. J’accumulais les efforts pour concentrer ma pensée.

Je murmurai, oppressée :

— Maman, ne trouves-tu pas bizarre que Chanteux ait voulu m’éloigner et qu’il s’acharne à perdre l’intelligence et la dignité d’Évariste ?

Maman tressaillit violemment. Elle se redressa et prononça sourdement :

— Que crois-tu donc ?

— Je ne crois rien, je cherche.

— Éloigne tes idées qui sont celles d’une imagination exaltée. Tu ne peux considérer les choses simplement. Il faut toujours que tu y voies un côté romanesque. Ce n’est pourtant pas Chanteux qui force ton frère à boire plus que de raison.

— Il est tellement insinuant, lançai-je. Évariste est faible. En écoutant notre régisseur, il ne sait même pas ce qu’il absorbe.

— Tes déductions ne reposent sur rien. Ce n’est pas le régisseur, pourtant, qui t’a décidée à partir subitement.

— Non, mais c’est lui qui t’a démontré l’utilité d’un séjour pour moi, hors de la maison. Je me demande bien quelle figure il fera quand il me reverra. Ah ! je rirais bien, si Évariste n’était pas dans un tel état !