— Peut-être est-ce notre cousine de Jilique qui vient s’informer de toi.
C’était bien elle.
Quand elle me vit, suivant maman, elle s’écria :
— Ah ! que je suis soulagée de voir Marane ici ; quelle inquiétude nous avons eue ce matin, en ne la trouvant pas dans sa chambre !
— Vous n’avez pas cru que j’étais perdue, m’écriai-je, perdue comme un bébé !
— Non, répondit assez sévèrement Mme de Jilique ; mais il est peu correct de s’enfuir ainsi, sans prévenir la maîtresse de maison.
Je recevais une leçon. J’étais dans mon tort.
— Vous m’auriez retenue, ma cousine, et je ne pouvais plus rester.
— Ah ! oui, à cause de cette fameuse trahison d’amitié.
Et Mme de Jilique rit de tout son cœur.
— Oh ! Madame, ne riez pas, suppliai-je d’une voix trem blante, mon cœur est si douloureux.
— Cette Marane est une passionnée.
— Oui, elle exagère les sentiments, répondit maman.
— Pas du tout ! m’écriai-je avec force. Ce que je désire n’a rien d’extraordinaire. Je veux qu’une amie me comprenne et que ses sentiments soient à l’unisson des miens, que nous n’ayons qu’un but : ne pas nous causer de peine mutuellement. Est-ce donc une chose impossible ?
Les deux cousines se regardèrent un moment, et elles convinrent toutes deux que mes prétentions étaient modestes quoique assez difficiles à réaliser.
Je dis le plus gentiment que je pus :
— Ce n’est pas votre faute, ma cousine, si votre fille n’a pas de cœur.
— Oh ! Marane ! se scandalisa maman.
— Elle a raison ; Jeanne ne doit pas comprendre l’amitié d’une manière aussi profonde, bien qu’elle emploie tous les moyens pour s’attacher les cœurs. Cependant, je reproche à Marane sa fuite, alors qu’il faisait à peine jour, la frayeur qu’elle m’a causée et la gêne qu’il m’a fallu dissimuler devant les domestiques intrigués.