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marane la passionnée

Je baissais la tête, confuse de ces justes remarques.

— Pardonnez-moi, murmurai-je.

Et pour donner une compensation à notre cousine, je lui suggérai :

— Si vous le voulez, je vous montrerai les roches qui surplombent la mer.

— Non, merci.

— Ne me refusez pas, c’est si beau, si grand ! Venez, ma cousine.

J’étais persuasive quand je m’en donnais la peine. Ma cousine se laissa entraîner. Elle ne dédaignait pas les splen­deurs de la nature. Sans doute, était-elle désireuse de voir de près les choses dont j’avais parlé avec tant d’enthousiasme.

— Hâtons-nous, dis-je, pour que le soleil nous envoie son dernier rayon sur la mer.

Je sifflai mes chiens, qui surgirent soudain à mes côtés, comme s’ils attendaient le signal.

— Rasco et Sidra ? demanda ma cousine, amusée.

— Eux-mêmes.

Les chiens prirent chacun une de mes tresses, ce qui divertit fort Mme de Jilique.

Maman ne nous accompagna pas. Elle craignait la marche et le vent.

Je parlais, tout en pressant notre cousine d’aller vite :

— Quelle joie de se secouer librement dans l’air ! Que la ville est ennuyeuse avec ses conventions ! La seule chose que je regretterai est le chant. Mon professeur était très bon mais rien ne m’empêche de continuer. À part cela, les murs étaient bien étroits ! Ce n’est pas une critique, parce que je trouve la terre elle-même parfois trop petite pour toutes mes idées !

— Quelle petite prétentieuse !

— Ce n’est pas du tout cela.

— Expliquez-moi alors.

— Ainsi, quand je suis devant la mer, de belles pensées m’arrivent et je suis transportée sous d’autres cieux. Parfois aussi, je me métamorphose en brise, en flot, en arbre, et j’ai une cime qui monte jusqu’aux nuages. Je rêve. J’ai donc rêvé d’une amie. Avez-vous une amie, vous, ma cousine ?