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marane la passionnée

Quand elle m’aperçut, la fermière Cordenec eut d’abord un léger recul, puis elle se rapprocha de moi.

— Bonjour, Mamzelle. Vous n’avez pas été malade ?

— Pas du tout.

— C’est que…

— On ne me voit plus chez vous ? terminai-je avec un accent dédaigneux.

— Oui, c’est cela, et mon Jean-Marie est bien désolé. Vous lui aviez dit que vous étiez son amie. Alors, n’est-ce pas, il le croyait, le cher petit.

Je ne sais pourquoi le ton de la fermière sonna quelque peu menaçant à mon oreille.

Je ne pus me retenir de lui répondre vivement :

— Votre Jean-Marie n’a pas été correct avec moi.

Elle devint pâle et rapidement me demanda :

— Oh ! que s’est-il passé, Mamzelle ?

— Il voulait m’embrasser ! criai-je en la regardant au fond des yeux.

Je croyais que cette femme allait s’indigner contre son fils, mais elle sourit et dit :

— Et c’est pour cela que Mamzelle ne vient plus nous voir ? Il faut excuser Jean-Marie. Mamzelle sait combien il l’aime, et mon pauvre petit n’a pas su résister à montrer son affection à Mamzelle.

Ces mots ne me touchèrent pas. L’attitude de la fermière ne me convenait pas. Il me vint tout à coup qu’elle pouvait être une ennemie.

Je répliquai non sans fermeté :

— J’estime que Jean-Marie a mal agi. Je ne suis pas une personne avec qui l’on peut se permettre de telles familiarités.

— Mais n’avez-vous pas répété qu’il était votre « ami » ?

Je fus quelque peu gênée, mais le courroux que m’avait laissé cette affaire me porta à répondre :

— Ce n’était pas une raison pour me manquer de respect, au contraire.

La fermière me contempla d’une façon perplexe. Puis elle reprit avec une nouvelle insistance :

— Vous avez dit pourtant que mon Jean-Marie était mieux que beaucoup de châtelains.