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marane la passionnée

— Mon Dieu ! Avec toi, tout devient tumulte.

— Bénis-moi, parce que ce tumulte devient clarté. Jean-Marie a racheté sa familiarité par des aveux. Il a été poussé par Chanteux, qui est un chenapan.

— Ne crie pas si fort !

— Tout le monde peut l’entendre, bien qu’il faille encore garder cette vérité secrète.

Maman alla vérifier si les corridors étaient déserts, puis je lui racontai mon entretien avec le jeune homme. Elle tremblait d’épouvante, et cependant elle me conjura de ne laisser entrevoir à personne ce que je savais. Je constatai sa frayeur et je ne pouvais comprendre qu’elle ne renvoyât pas Chanteux immédiatement.

— Tu entends bien, n’est-ce pas, maman ? Il a voulu amoindrir Évariste en lui jetant quelque chose dans sa boisson pour l’altérer davantage. Et quand il a su, par la fermière, mon amitié pour Jean-Marie, il a tout de suite pensé que cela pourrait servir ses diaboliques projets.

Ma mère gémissait et disait de temps à autre :

— Mon Dieu ! Mon Dieu !

— Tu vas renvoyer le régisseur ?

— Ce n’est pas possible. Son contrat n’est pas terminé. Il faudrait lui donner un dédommagement.

— Devant de telles preuves, dis-je ingénument, un contrat peut se résilier !

— Des preuves ! répéta maman, elles ne sont pas valables. Ma pauvre petite, il faut que nous ayons encore un peu de patience. Évariste est sauvé, c’est là l’essentiel.

Je trépignais. La patience que me conseillait ma mère me paraissait une lâcheté… Cependant, ses raisons étaient justes.

Je regrettais que Chanteux ne dépendît pas de moi ! Je partis pour semer ma colère dans la pluie qui ruisselait. Le temps ne s’améliorait pas. Ce n’était que brume ou averses, ce qui me désolait, parce que j’aimais voir le soleil se coucher. Ma grande joie était de contempler la dernière touche lumineuse caresser l’horizon. Je prenais un plaisir d’artiste à en analyser les teintes variées.

Tout était d’ordinaire prétexte à m’intéresser, même la