Page:Fiel - Marane la passionnée, 1938.pdf/81

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
81
marane la passionnée

— Tu es folle, me répondit-il en riant, elle est tout à ton honneur.

Je respirai, mais je poursuivis :

— Ce Chanteux cependant, peut l’exagérer et répandre, par exemple, que c’est moi qui ai voulu embrasser Jean-Marie.

— Oh ! quand un prétendant aura causé trois fois avec toi, il ne conservera plus aucun doute sur ton caractère. Crois-moi, on a le bonheur que l’on mérite, et ton mari sera un homme qui t’aimera parce qu’il appréciera tes qualités.

Oh ! comme ces paroles me rassérénèrent ! Il me semblait que du soleil était entré dans mon âme. À peine si je fus triste du départ d’Évariste tellement la vie redevenait claire devant moi.

De nouveau la nature fut la compagne à qui je parlais, à qui je confiais les espoirs de mon cœur et les folies de mon imagination.

Je ne gémissais plus du manque d’amitié. Soutenue par la belle espérance qui luisait au bout de mon chemin, je chantais.

Le froid de janvier n’avait aucune prise sur moi. Le vent pouvait me cingler, et la pluie me piquer de ses aiguilles gelées, je n’y prêtais nulle attention. Mon cœur se réchauffait à la belle flamme qui dansait devant mon avenir. Il s’illuminait de tout son mystère, mais je pressentais que ce mystère contiendrait du bonheur.

À quelques jours de là, vers la mi-janvier, ma mère reçut une lettre de Mme de Jilique. Elle annonçait le mariage de sa fille Jeanne avec M. Renaud de Nadière.

Ah ! quand maman me lut ces lignes, je rugis de colère ! Ainsi, Jeanne se mariait ! Elle avait ri de mon amitié, elle s’en était jouée et elle avait trouvé encore un cœur pour l’aimer !

Je criai à l’injustice ! J’accusai Dieu qui laissait de telles choses s’accomplir.

Je voulais écrire à M. de Nadière, dont je n’avais jamais entendu parler, pour le prévenir qu’il serait malheureux, que jamais Jeanne de Jilique ne serait pour lui bonne ou affectueuse.