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Aubrine entrerait ? Elle ne tenait pas à ce qu’elle allât dans un grand atelier, pour qu’en sa qualité de débutante on lui fît faire les courses.

Alors qu’elle cherchait le moyen de se renseigner, Aubrine allait de l’avant. Elle se documentait sur ses voisins. Peut-être y aurait-il parmi eux ce qu’elle cherchait.

Elle apprit par la concierge que le logement semblable au leur était habité par un couple âgé, avec une sœur du mari de quelques années plus jeune.

Ce trio vivait fort retiré, ne communiquant avec personne. Aubrine en déduisit tout de suite qu’elle perdrait son temps en faisant des avances à ce couple antidiluvien. Elle ne voulait pas non plus demander son appui directement à la concierge parce que cette femme lui semblait avoir une propension fâcheuse à la familiarité. Elle ne se souciait pas d’être sous sa coupe.

Il restait la troisième porte du petit logis qui abritait une mère et son fils. Ce dernier était un ouvrier employé dans le chantier d’une scierie, et sa mère remplissait, à demeure, des flacons de parfum qu’elle bouchait élégamment en les étiquetant.

Aubrine comprit alors pourquoi le palier recelait parfois des effluves capiteux.

La concierge disait :

— Y n’sont pas causants non plus… La mère a l’air triste… sans doute que son veuvage l’a assommée. Elle est comme il faut, le fils aussi… y n’boit pas… il est rangé et c’est rare qu’il sorte le soir. Il n’est pas très fort, le pauvre ! C’est minciot et pâle, mais il n’est jamais arrêté.

Aubrine fut bien intéressée par ce jugement. Tout de suite, elle se dit que ces personnes subissaient aussi des revers de fortune. Avec l’élan et l’audace qui caractérisent les jeunes modernes, elle se promit d’aller trouver cette dame et de lui demander conseil. Elle n’en parla pas à sa mère, car c’est encore une caractéristique du modernisme que les jeunes gardent souvent le secret sur leurs actions. Ils ne les révèlent que quand elles aboutissent dans le succès.

Sur la porte de ses voisins, un nom était inscrit : Mme Ritard. Le lendemain de sa conversation avec la concierge, la jeune fille sonna chez Mme Ritard.

Elle entendit un pas lent et la porte s’ouvrit, Devant elle, une femme pâle et mince se dressa qui la regarda étonnée. Puis elle se ressaisit et murmura :

— Que désirez-vous ? Voulez-vous entrer ?

Aubrine pénétra plus avant et dit :

— Je viens vous demander un simple renseignement.