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Dans la rue, parce qu’Aubrine allait résolument chez sa future patronne, elle disait entre haut et bas : cela sentait joliment bon… je me croyais encore riche… j’irai sûrement de temps à autre prendre un bain de parfum chez cette femme, pas vulgaire du tout.

Elle arriva chez Mme Blanche où une cousette lui ouvrit et la fit entrer dans un salon où des mannequins s’alignaient revêtus de toilettes terminées.

Mme Blanche vint très vite, la bouche souriante, croyant à une nouvelle cliente.

Aubrine ne la laissa pas longtemps dans cette illusion :

— Madame, veuillez excuser ma hardiesse, je voudrais apprendre à coudre.

Le sourire de la couturière se figea :

— Vous voulez entrer chez moi pour travailler ?

— J’en ai le désir, oui, madame, si c’est possible.

— Vous avez déjà été en atelier ?

— Non, madame.

— À votre âge ! tout est à faire alors ?

— Mais oui, répliqua Aubrine sur un petit ton gai.

— Je ne vous paierai pas, durant quelques mois, parce que vous ne me rendrez pas beaucoup de services.

— Tant pis, madame, ce sera pour un peu plus tard. Je puis venir quand ?

— Demain, si vous voulez. Soyez là à 8 heures.

— Bien, madame.

— Apportez des aiguilles, un dé et des ciseaux.

— Entendu ! au revoir, madame et merci !

Triomphante, Aubrine s’en alla, laissant sa future patronne quelque peu surprise de voir une jeune fille, vêtue avec tant de chic, venir lui demander du travail. De plus, elle se présentait avec un aplomb que n’ont pas, d’ordinaire, les ouvrières pressées par le besoin. Enfin, elle s’était laissée persuader et il lui serait facile de renvoyer cette apprentie si elle se révélait indésirable.

Aubrine se sentait un sourire radieux quand elle retrouva sa mère :

— Maman… je commencerai demain mon apprentissage chez Mme Blanche !

À vrai dire, Mme Vital n’accueillit pas cette nouvelle avec l’enthousiasme que montrait Aubrine. Une vague de remords déferlait en elle. Sa fille, riche, jolie, allait se commettre chez une simple couturière, et pourquoi ? Parce que sa propre mère la trouvait paresseuse et la condamnait, de gaîté de cœur, à une telle servitude ! Ah ! maudite soit la pensée qui l’avait conduite à cette extrémité. Sûrement, elle n’avait pas son bon