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prudence rocaleux

L’attitude de Prudence devenait provoquante. Sans doute, prenait-elle conscience de ses inconséquences, et elle s’enfonçait dans son entêtement pour se convaincre soi-même qu’elle avait eu raison.

— Il a protesté, ce monsieur ? reprit Mme Dilaret pour savoir quelle importance avait eu cet entretien.

— Vous pensez ! Il m’a dit, avec un petit sourire en coin, que son valet l’accompagnait dans son voyage, et qu’il ne l’avait quitté ni jour ni nuit. Le papa avait trépassé soi-disant juste pendant ce temps. Il est naïf ce monsieur ! Y connaît donc pas les cachets qu’on donne aux gens pour les faire dormir ? Ou alors, s’il ne dormait pas, c’est que ce fils est de mèche avec son valet.

— Oh ! taisez-vous, malheureuse ! C’est abominable ce que vous insinuez là ! Mon Dieu, heureusement que je suis seule avec vous ! Mesurez vos paroles et ne répétez pas devant quelqu’un des propos aussi terribles. Vous m’épouvantez littéralement, moi qui vous avais suppliée de laisser ces choses.

— Madame n’a guère de courage. Moi, je n’ai pas peur. Si Madame voyait cet Apollon, avec ses yeux de sauvage ! Mais son crime est plaqué sur sa figure. Et pis, son pauv’ vieux maître lui laisse une rente par testament ; alors Madame peut se rendre compte qu’il y gagnait en le supprimant !

— Prudence, vous me causez une peine énorme avec vos suppositions.

— Je ne suppose rien et je vois clair. Ce monsieur m’a bien surprise en ne voulant pas me croire, mais il est vrai que les braves gens comme moi payent pour les malhonnêtes. Il paraît que ce fils d’assassiné a reçu plus de douze cents lettres qui lui dénoncent le meurtrier. Y pouvait plus arriver à les lire !