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trop belle

Madame Bullot était aimée de ses domestiques. Son service était facile, et ses gages larges.

Durant l’après-midi, la vieille dame annonça à Zoé :

— Il va me falloir un secrétaire pour écrire mes lettres et me faire la lecture… Je ne puis rester avec ma correspondance en retard… Je ne sais combien de temps ces douleurs vont m’immobiliser… mais je ne tiens pas du tout à m’ennuyer durant ce temps…

— Madame ne veut vraiment pas voir son docteur ?

— Mais si… mais si… quoique je sache d’avance ce qu’il me dira.

La septuagénaire eut un rire qui sembla exprimer : il me traitera de vieille…

Madame Bullot reçut Sylviane le lendemain.

La jeune fille paraissait plus gaie. Elle était souriante et animée. Elle demanda :

— Vous allez toujours bien ?

— Heu !… heu !… je deviens infirme pour de bon…

— Comment ?…

— Mes mains me refusent service… aussi vais-je vous mettre à contribution… Vous allez m’écrire une annonce pour demander un secrétaire qui viendra quelques heures chaque après-midi… Mais je ne veux pas d’une femme qui gémira sans arrêt sur ses malheurs passés… mais un brave homme qui sera content de gagner ce que je lui donnerai…

— Quel changement dans votre vie !… ne pourrais-je vous aider ?

— Ce serait aliéner votre liberté…

Sylviane baissa la tête et murmura en rougissant :

— Je songeais à m’occuper… ma vie est si fade… et je ne puis attendre éternellement le mari que maman rêve…

— Et vous… mignonne… ne le rêvez-vous pas ? demanda précipitamment Madame Bullot à mi-voix.