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trop belle


II


Sylviane se trouvait dans un état d’esprit assez singulier. Elle réprouvait entièrement la conduite de Luc Saint-Wiff, mais elle s’apercevait cependant qu’aucun autre candidat ne lui plairait autant.

Elle était rentrée chez elle, presque inconsciente du chemin parcouru. Devant sa mère, toujours à l’affût de la moindre impression subie par son aspect, elle avait simulé l’enjouement, ne voulant pas raconter l’incident, qui brisait un avenir que Madame Foubry aurait jugé brillant et difficilement remplaçable.

Elle évitait ainsi à sa mère deux peines et un regret. La jeunesse est en général, encore plus généreuse qu’on le croit et elle épargne bien des chagrins aux ascendants, dont ceux-ci ne se doutent pas. Elle emmagasine bien des souffrances qui sont d’autant plus aiguës que la faculté de sentir est plus neuve.

Sylviane gardait donc en soi, avec soin, sa déception et elle ne cessait de penser à celui qui l’avait provoquée.

De son côté, Luc était très mortifié de l’issue de son complot qui se retournait contre lui avec cruauté.

Quand la jeune fille s’était presque enfuie, à la suite de cette scène ridicule, Madame Bullot s’était écriée, très marrie :

— Eh ! bien… mon pauvre ami… nous avons commis une bien lourde erreur. Nous avons voulu si bien manœuvrer notre filet que la proie nous échappe…

— C’est un désastre… ma tante… balbutia le jeune homme tout agité.

— Je t’avoue… mon neveu… que je ne savais pas autant de fierté à ma petite Sylviane… C’est beau… ce qu’elle a fait là !… Refuser un parti comme toi… plusieurs fois millionnaire… et bien tourné !… Que dis-tu de cela ?

— C’est splendide… mais je suis bien malheu-