Page:Fiel - Trop belle, 1926.djvu/67

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nature généreuse et bonne, elle ne peut que se montrer aimable. Elle sera sans doute réduite, par sa pauvreté, à vivre isolée, parce que son élégance naturelle et son esprit pénétrant ne peut convenir qu’à une catégorie rare.

L’étonnement abasourdissait Luc. Il s’émerveillait de trouver tant de profondeur chez une jeune fille de dix-huit ans. Il était frappé par la justesse des observations qu’elle énonçait. Il ne pouvait que répondre dans le sens qu’elle formulait :

— Je suis pleinement de votre avis, mademoiselle. Annette le regarda alors profondément. Luc pâlit et comprit sa pensée. Il répliqua doucement :

— Vous me jugez digne d’elle, mademoiselle ? Je l’ai demandée en mariage, et elle m’a refusé.

Ce fut au tour d’Annette d’être décontenancée.

— Pourquoi ? s’écria-t-elle avec véhémence.

Luc expliqua son mauvais cas.

La jeune fille l’écoutait avec attention et dit enfin :

— Je comprends les sentiments de Sylviane, elle a été blessée dans sa fierté, elle aurait voulu que ses qualités fussent lues sur son visage, ou dévoilées dans une mutuelle confiance.

— Et c’est si difficile, soupira Luc, de connaître une jeune fille. Ainsi, aurais-je pu croire, avec votre figure candide et mutine, que vous étiez la femme réfléchie que je découvre ?

— C’est vrai, dit tranquillement Annette.

— Pouvais-je savoir que la Sylviane à la beauté impérieuse que je voyais, au charme si pénétrant, à la distinction si impeccable et presque hautaine, était la jeune fille aux sentiments délicats et profonds, avide de tendresse, lassée de mondanités, que vous me décrivez et que Madame Bullot m’a dépeinte. Je voulais en juger moi-même, en toute liberté, et quand on le fait ouvertement, on s’engage…

— Vous avez raison, dit Annette.

— Comment faire maintenant ? demanda Luc. Je suis venu ici pour essayer de réparer, mais je