Page:Fiel - Trop belle, 1926.djvu/79

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— J’ai veillé… hier soir… m’acharnant au tricot qu’une jeune maman m’avait demandé… et j’ai du sommeil à rattraper… J’ai voulu marcher un peu ce matin pour perdre ma fatigue dans cette brise douce… mais je sens que me coucher tôt ce soir sera le seul remède…

L’explication était exacte, mais Sylviane était de taille à supporter un manque de sommeil, mais elle n’avait que ce prétexte pour couvrir son malaise.

Ces paroles dites en souriant, elle reprit, armée de courage, la conversation où elle était restée avant la remarque d’Annette.

Elle s’appliqua à voiler sa préoccupation le mieux possible :

— Je serai heureuse et curieuse… de connaître quelque jour… votre prince charmant… mais vous pouvez toujours me dire… en attendant… si c’est une personne de nos relations…

Annette ne répondit pas tout de suite. Elle comprenait où Sylviane voulait en venir, et craignant de commettre quelque bévue, elle ne savait trop comment tranquilliser ce cœur tourmenté.

Pour rien au monde, elle n’eut voulu blesser la jeune fille et lui laisser soupçonner les confidences de Luc.

Devant le silence, qui se prolongeait, Sylviane n’osa pas réitérer sa question. Elle trouvait même fort mesquin d’avoir poussé son enquête aussi indiscrètement.

Cependant Annette, en ne répondant soulignait cette curiosité.

Elle dit donc gravement afin que sa phrase fût prise au sérieux :

— Non… mademoiselle… vous ne connaissez ni de nom… ni de vue… celui qui sera mon mari…

Sylviane la regarda, alors qu’une telle onde de joie illuminait son visage, qu’Annette ne se repentit pas de son demi-aveu. Elle voyait sa compagne positivement renaître. La fatigue qu’elle accusait la minute d’avant disparaissait pour rendre sa démarche aérienne. Son front soucieux redevint pur, et ses yeux pleins de douceur s’abaissèrent