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Le capitaine voyant donc que l’histoire couroit risque de se perdre, chercha l’occasion de la raconter lui-même.

Un jour qu’il s’étoit engagé avec M. Allworthy dans une discussion sur la charité, il s’efforçoit de lui prouver que l’Écriture n’emploie nulle part ce mot, comme synonyme de bienfaisance et de générosité.

« La religion chrétienne, disoit-il, a été instituée dans un plus noble but, que celui de confirmer une doctrine qu’un grand nombre de philosophes païens avoient enseignée long-temps auparavant. Quoique la bienfaisance puisse, à la rigueur, s’appeler une vertu morale, il s’en faut de beaucoup qu’elle ressemble à cette sublime disposition chrétienne, à cette haute élévation de pensée qui tient par sa pureté de la perfection angélique, et qu’on ne sauroit acquérir, exprimer, ni sentir qu’avec le secours de la grace. On a plus approché du sens de l’Écriture, lorsqu’on a entendu par charité, la candeur, ou l’habitude de bien penser de ses frères, et de juger favorablement de leurs actions, vertu d’une nature plus éminente et plus étendue que celle de l’aumône. L’aumône, dût-elle aller jusqu’à l’entier sacrifice d’une fortune considérable, demeureroit toujours renfermée dans des bornes étroites, tandis