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limites du domaine où la fortune, pour seconder les sages vues de la nature, avoit placé un de ces conservateurs de gibier dont il est question. Nos chasseurs suivirent de l’œil les perdrix qui s’abattirent dans des touffes de genêts, à deux ou trois cents pas des possessions de M. Allworthy.

L’écuyer avoit défendu au garde, sous peine de perdre sa place, de jamais mettre le pied sur les terres de ses voisins, sans distinction des propriétaires peu jaloux de leur chasse, et du gentilhomme si amoureux de la sienne. Cette défense n’avoit pas été respectée très-scrupuleusement, à l’égard des premiers. Quant au second, chez qui les perdrix avoient cherché un asile, le garde, bien instruit de son caractère, s’étoit toujours abstenu de violer sa propriété ; et peut-être eût-il encore observé la même réserve, s’il eût été seul ; mais cédant aux instances de son jeune compagnon, et entraîné par sa propre ardeur, il franchit la limite et tua une perdrix.

Dans ce moment, notre gentilhomme passoit par hasard à cheval près de là, suivi de ses gens. Il accourut au bruit du coup, et ne vit que Tom, le garde s’étant caché dans une épaisse touffe de genêts, où il eut le bonheur d’échapper à ses regards. Transporté de fureur, il fouilla l’enfant : ayant trouvé sur lui la perdrix, il jeta feu et flamme, et jura qu’il alloit se plaindre à M. All-