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M. Allworthy se tournant vers Tom, avec un air de sévérité qui ne lui étoit pas ordinaire, le pressa de nouveau de nommer son complice. L’enfant persista dans sa première réponse. L’écuyer irrité de son obstination, le congédia en lui donnant jusqu’au lendemain matin pour réfléchir, et le prévenant qu’il seroit alors interrogé par une autre personne, et d’une autre manière.

Le pauvre Jones passa une nuit fort triste. L’absence de son camarade, que mistress Blifil avoit mené avec elle chez un gentilhomme du voisinage, ajoutoit encore à sa peine. La crainte du châtiment qu’il devoit subir faisoit son moindre tourment. Sa principale inquiétude venoit de la peur de manquer de courage, et de laisser échapper le nom du garde, dont il savoit que son indiscrétion causeroit la ruine.

Le garde n’étoit guère plus tranquille. Il partageoit l’appréhension de Jones, et s’intéressoit beaucoup moins à la peau de son jeune ami, qu’il ne redoutoit sa foiblesse.

Le lendemain matin, quand Tom entra chez le révérend M. Thwackum, à qui l’écuyer avoit confié l’éducation des deux enfants, il eut à essuyer les mêmes questions que la veille ; il y fit les mêmes réponses, et ce nouvel interrogatoire fut suivi du fouet appliqué d’une manière si barbare, qu’il différa peu de la question qu’on donne aux