Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/218

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nous nous sommes quelquefois laissé éblouir par l’éclat d’une magnificence extraordinaire. En voyant, dans une cérémonie publique, s’avancer d’un pas majestueux un homme précédé d’une foule de gens, dont l’unique fonction est de marcher devant lui, nous avons conçu une plus haute idée de sa dignité que nous n’avions fait, lorsqu’il s’étoit offert à nos yeux, dans une situation commune. Et pour citer un exemple analogue à ce sujet, on sait qu’il est d’usage qu’une jeune bouquetière précède la pompe du couronnement, et jonche de fleurs les chemins par où doit passer le brillant cortége. Les anciens se seroient figuré que c’étoit Flore en personne. Abusés par la voix de leurs prêtres et de leurs magistrats, ils auroient cru voir, sous les traits d’une simple mortelle, la déesse elle-même. Pour nous, qui ne voulons surprendre la religion de personne, nous laisserons les esprits incrédules à qui répugne la théologie païenne, transformer, s’il leur plaît, notre déesse en bouquetière. Il nous suffit de l’annoncer avec la solennité, avec l’élévation de style, et toutes les circonstances propres à lui attirer l’admiration générale. À dire vrai, nous serions tenté, pour certaines raisons, d’engager ceux qui ont reçu du ciel un cœur sensible, à ne pas pousser plus loin la lecture de cet ouvrage. Mais comme le portrait de notre