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cher ailleurs du gibier, et de ne pas chasser sur ses terres.

Sophie parut ce soir-là plus belle que de coutume, et l’on peut croire que le manchon qu’elle avoit à son bras droit, n’augmenta pas médiocrement ses charmes aux yeux de Jones.

Elle jouoit un des airs favoris de son père, qui, debout derrière sa chaise, l’écoutoit attentivement. Tout-à-coup le manchon glissa sur ses doigts et lui fit manquer la mesure. L’écuyer furieux le lui arracha, en jurant, et le jeta au feu. Sophie au désespoir se lève, court à la cheminée et se hâte de sauver des flammes son cher manchon.

Quelque puéril que cet incident puisse paroître à beaucoup de nos lecteurs, nous avons cru devoir le rapporter, à cause de la vive impression qu’il fit sur Jones. C’est à tort que des historiens sans jugement, retranchent de leurs récits une foule de petits détails, d’où naissent souvent des événements de la plus haute importance. Le monde peut se comparer à une vaste machine, dont les maîtresses roues sont mises en mouvement par d’autres moins grandes, et quelquefois si petites, qu’il faut un œil perçant pour les apercevoir.

Ainsi, ce que n’avoient pu faire tous les charmes de l’incomparable Sophie, l’éclat de sa beauté,