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cœur de Jones, et elle ne fut pas en peine d’en découvrir la cause ; elle la trouvoit dans son propre sein. Cette conformité de sentiments, qui n’est autre chose que la sympathie, tant de fois observée chez les amants, fait assez connoître pourquoi Sophie étoit beaucoup plus clairvoyante que son père.

À dire vrai, il y a un moyen plus simple et plus clair, d’expliquer l’étonnante supériorité de pénétration qu’on remarque dans certaines personnes, et ce moyen n’est pas seulement applicable aux amants, mais à tous les hommes. D’où vient, par exemple, qu’un fripon se montre, pour l’ordinaire, si habile et si prompt à découvrir des fourberies, dont un honnête homme, d’ailleurs beaucoup plus éclairé, est souvent la dupe ? Il n’existe point de sympathie générale entre les fripons ; ils ne font point usage, comme les francs-maçons, de signes particuliers pour s’entendre ; mais le même sujet les occupe tous ; toutes leurs pensées sont constamment tournées vers le même but. Il ne faut donc s’étonner ni de l’aveuglement de l’écuyer, ni de la pénétration de sa fille. L’idée de l’amour n’étoit jamais entrée dans la tête du premier, et la seconde, en ce moment, n’en avoit point d’autre.

Quand Sophie fut bien convaincue de la passion de Jones, et qu’elle eut la certitude d’en être