Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/354

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’il étoit, avoit peut-être jeté dans son sein le premier germe d’une passion, devenue si profonde.

Tous deux avoient l’esprit tellement préoccupé, qu’ils se touchoient presque, avant de s’être aperçus. Leur confusion n’auroit pas échappé à un tiers ; mais ils étoient trop émus pour s’observer l’un l’autre. Dès que Jones fut un peu remis de sa première surprise, il salua miss Western ; elle lui rendit son salut avec timidité. La conversation commença par des lieux communs sur la fraîcheur délicieuse de la matinée ; elle tomba ensuite sur la beauté du paysage. Jones en vanta les charmes. À la vue de l’arbre d’où il étoit jadis tombé dans l’eau, Sophie ne put s’empêcher de lui rappeler cet accident. « Je suppose, monsieur Jones, lui dit-elle, que vous ne passez point au bord de ce canal sans ressentir un petit frisson ?

— En vérité, mademoiselle, répondit-il, je n’ai conservé d’autre souvenir de cette aventure, que celui du chagrin que vous causa la perte de votre oiseau. Pauvre Tommy ! voici la branche sur laquelle il s’étoit posé. Comment eut-il la folie de fuir l’heureuse condition où je l’avois placé ? sa triste fin fut la juste punition de son ingratitude.

— Peu s’en fallut, monsieur Jones, que votre courage ne vous fît éprouver un sort aussi funeste. Sans doute, vous n’avez pas oublié le danger que vous courûtes alors ?