Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/381

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n’est plus rare, en effet, que d’entendre citer, en pareille occasion, un trait de perfidie ou de lâcheté. Souvent, au contraire, on voit les combattants se témoigner, pendant l’action, des égards réciproques : en sorte que l’amitié termine, presque toujours, la dispute qu’une joyeuse ivresse avoit fait naître.

Mais pour reprendre le fil de notre histoire, quoique Jones n’eût montré aucune intention hostile, M. Blifil ne se tint pas moins très-offensé d’une conduite qui s’accordoit mal avec l’extrême réserve de son caractère. Il la jugea d’autant plus indécente et plus odieuse, que la mort d’une mère chérie venoit, disoit-il, de répandre le deuil dans la maison. S’il avoit plu au ciel de leur donner quelque espoir du rétablissement de M. Allworthy, c’étoit par des actions de graces qu’il convenoit de faire éclater leur reconnoissance, et non par l’emportement de l’ivresse et par des chants dissolus, moyens plus capables d’allumer, que d’éteindre le courroux céleste. Thwackum qui avoit bu, sans qu’il y parût, plus que Tom, applaudit aux pieuses réflexions de Blifil. M. Square, pour des motifs que le lecteur saura deviner, garda le silence.

Le vin n’avoit pas tellement troublé la raison de Jones, qu’un seul mot ne suffît pour lui rappeler le malheur de M. Blifil. Toujours prêt à re-