Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/393

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Le ministre avoit été dans sa jeunesse un redoutable champion, et s’étoit illustré, tant à l’école qu’à l’université, par la rudesse de son poing. Il est vrai qu’il avoit renoncé depuis nombre d’années, au noble exercice du pugilat ; mais son courage étoit aussi ferme que sa foi, et sa force physique ne cédoit ni à l’un, ni à l’autre. On a pu s’apercevoir, en outre, qu’il étoit d’une humeur colérique. Lorsqu’en se retournant, il vit son ami étendu sur la terre, et qu’il se sentit pressé lui-même par un adversaire, qui avoit toujours été autrefois le patient dans leurs débats, la honte redoubla son dépit ; il prit l’offensive, et attaqua Jones, en face, avec autant de vigueur, qu’il l’attaquoit jadis par derrière.

Notre héros reçut le choc sans sourciller, sa poitrine en retentit ; il riposta avec une égale énergie ; il visoit à la poitrine de Thwackum, mais son poing, adroitement rabattu, ne porta que sur le ventre du ministre, qui, garni de deux livres de bœuf et d’autant de pudding, ne rendit pas un son creux. Des deux côtés il se donna un grand nombre de coups plus faciles à imaginer qu’à décrire. À la fin Thwackum fit une lourde chute, Jones en profita pour lui appuyer les deux genoux sur l’estomac, et la victoire n’eût pas été plus long-temps douteuse, si Blifil, qui s’étoit relevé dans l’intervalle, ne fût revenu à la