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Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 2.djvu/19

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n’eût songé à l’attaquer ; et cette dernière supposition paroît la plus vraisemblable, car sa taille de cinq pieds et demi, son air masculin, ses manières décidées, et son érudition, avoient fort bien pu empêcher les hommes de la prendre, malgré ses jupes, pour une femme. Cependant la théorie suppléant en elle à l’expérience, elle connoissoit à fond le manège des sourires, des lorgneries, des œillades, et tous les artifices que les coquettes mettent en usage, tantôt pour encourager un amant trop timide, tantôt pour dissimuler un tendre penchant ; en un mot, nulle affectation, nul déguisement n’avoit échappé à son attention. Quant aux naïfs mouvements de la simple nature, le monde ne lui ayant rien offert de semblable, elle n’en avoit qu’une idée très-imparfaite.

Grace à sa merveilleuse pénétration, mistress Western avoit cru apercevoir qu’il se passoit quelque chose d’extraordinaire dans l’ame de Sophie. La conduite de cette jeune personne, lors du combat de Jones et de Blifil, donna naissance à ses premiers soupçons ; ils se fortifièrent par les remarques qu’elle fit le soir et le lendemain matin. Trop circonspecte pour s’exposer aux suites désagréables d’une méprise, elle garda son secret pendant quinze jours, bornant sa tactique à des attaques indirectes, telles que des clignements