Aller au contenu

Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 2.djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
37
CHAPITRE VI.

homme ? car il faut qu’il soit bien méchant, pour que vous le haïssiez ainsi.

— Ma langue se refuse à prononcer son nom. Tu ne le sauras que trop tôt. »

Honora, qui le savoit déjà, n’insista pas davantage sur ce point. « Je n’ai pas, continua-t-elle, la prétention de donner des conseils à mademoiselle. Elle a plus d’esprit que moi, qui ne suis qu’une pauvre servante. Mais sur ma foi, il n’y a pas de père au monde qui eût le pouvoir de me marier contre mon gré. M. Western est la bonté même. S’il savoit que mademoiselle méprise et déteste l’homme en question, il changeroit sûrement d’avis. Mademoiselle veut-elle me permettre de lui en parler ? Sans doute, il vaudroit mieux que mademoiselle lui en parlât elle-même, mais puisque mademoiselle répugne à salir sa langue d’un vilain nom…

— Tu te trompes, Honora, mon père avoit arrêté le mariage, avant de juger à propos de m’en rien dire.

— Il n’en a que plus de tort ; car enfin c’est vous qui épousez et non pas lui ; et quelque bien fait que soit un homme, toutes les femmes ne sont pas obligées de le trouver à leur gré. Tenez, mademoiselle, je gagerois ma tête, que mon maître n’agit point ainsi de son chef. Certaines gens devroient bien ne se mêler que de ce qui les