dans les agréments de sa figure et de son esprit, l’empressement que mettoit M. Western à conclure le mariage, l’obéissance accoutumée de Sophie aux volontés de son père, la soumission rigoureuse qu’il exigeroit d’elle au besoin, tout, à son gré, lui assuroit la conquête d’une jeune personne à laquelle il ne supposoit aucune inclination.
Ce qui étonnera, c’est qu’il n’eût jamais pris d’ombrage de Jones. Peut-être s’imaginoit-il que la réputation (si peu méritée) qu’on avoit faite à notre ami, d’être un des plus mauvais sujets d’Angleterre, devoit le rendre odieux à une jeune fille d’une modestie exemplaire ; peut-être aussi la conduite de Sophie et de Jones, dans les réunions des deux familles, avoit-elle éloigné le soupçon de son esprit. Enfin, et c’étoit le principal motif de sa sécurité, Blifil ne voyoit point de rival qui méritât de lui être comparé. Il croyoit connoître Jones à fond, et, loin de le craindre, il le méprisoit comme un sot incapable de calcul et d’ambition. Il pensoit d’ailleurs que sa liaison avec Molly Seagrim duroit toujours, et qu’elle finiroit par le mariage. Il en avoit su l’origine et les progrès ; car Jones, qui l’aimoit dès l’enfance, l’initioit à tous ses secrets ; mais l’affront qu’il en reçut, pendant la maladie de M. Allworthy, la querelle et le ressentiment qui en furent la suite,