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Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 2.djvu/82

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CHAPITRE XI.

tendez pas d’autre de moi. À compter de ce jour, je romps toute relation avec vous. Je ne puis m’empêcher de vous dire encore, que ce qui m’irrite le plus, c’est l’indignité de votre conduite envers ce bon jeune homme (voulant parler de Blifil), qui vous a donné tant de preuves d’affection et de générosité. »

Jones ne put supporter l’amertume de ces dernières paroles ; il fondit en larmes, et demeura sans voix et sans mouvement. Plusieurs minutes s’écoulèrent, avant qu’il fût en état d’obéir à l’ordre impérieux de M. Allworthy, qui le pressoit de partir. Il sortit enfin, après lui avoir baisé les mains avec une vivacité de tendresse trop expressive pour être feinte, et impossible à décrire.

En considérant sous quel jour défavorable notre malheureux ami s’offroit aux yeux de M. Allworthy, on ne sauroit accuser de rigueur la sentence prononcée contre lui. Cependant tout le voisinage, soit par un sentiment exagéré de bienveillance, soit par un autre motif moins louable, le condamna comme un acte de cruauté. Ceux même qui, auparavant, censuroient avec le plus d’amertume l’affection de M. Allworthy pour un bâtard (son propre enfant selon l’opinion publique), furent les premiers à s’indigner d’un traitement si inhumain. Les femmes surtout prirent unanimement le parti de Jones, et débitèrent à