Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cet animal rusé, cruel, carnivore, qu’on appelle homme, a retenu tout le jour dans son gîte, se hasarde à en sortir et à se jouer dans la plaine ; où l’aigre chantre des nuits, le hibou, tapi dans le creux d’un vieux chêne, fait entendre des accents propres à charmer l’oreille de quelques modernes connoisseurs en musique ; où le rustre, à moitié ivre, traversant d’un pas mal assuré le cimetière du village, pour regagner sa demeure, s’imagine voir, dans son effroi, des spectres sanglants, se lever devant lui ; où les voleurs et les brigands sont éveillés, tandis que l’honnête Watchman sommeille profondément : en un mot, il étoit minuit. Les habitants de l’hôtellerie, ceux que nous connoissons déjà, et d’autres arrivés le soir, reposoient dans leurs lits. La servante Susanne seule, encore debout, s’occupoit à nettoyer la cuisine, avant d’aller trouver l’amoureux valet d’écurie qui brûloit de la tenir dans ses bras.

Telle étoit la situation des choses, lorsqu’un gentilhomme courant la poste à franc étrier s’arrêta devant l’auberge. Il descendit de cheval, se fit ouvrir la porte, et tout troublé, presque hors d’haleine, il demanda d’un ton brusque à Susanne, s’il y avoit des dames logées dans la maison. L’heure de la nuit, l’air égaré du voyageur