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dit, dans la cuisine, que mademoiselle Sophie Western… Je ne sais en vérité comment le redire. » Ici elle s’arrêta ; mais encouragée par Sophie, et vivement pressée par Honora, elle continua ainsi : « Il nous a dit (c’est sans doute un mensonge) que mademoiselle aimoit éperdument le jeune écuyer, et que celui-ci n’alloit à la guerre que pour se débarrasser d’elle. Je pensai alors en moi-même que c’étoit un misérable sans ame ; mais à présent que je vois une dame aussi belle, aussi riche, aussi aimable que vous l’êtes, abandonnée pour une femme du commun, car sûrement ce n’est rien de mieux, et pour la femme d’un autre encore, je trouve que c’est une chose étrange et contre nature ! »

Sophie lui donna une troisième guinée, l’assura de sa protection, si elle gardoit le secret de son nom et de ce qui s’étoit passé, et l’envoya dire au postillon de seller à l’instant ses chevaux.

Lorsqu’elle fut seule avec sa femme de chambre : « Honora, lui dit-elle, jamais je n’ai été plus tranquille. J’ai maintenant la preuve qu’il est non-seulement un traître, mais encore le plus lâche et le plus méprisable des hommes. Je pourrois lui pardonner tout, hors l’indignité avec laquelle il a livré mon nom au mépris public. Rien ne l’avilit davantage à mes yeux. Oui, Honora, je