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étoit la suite d’une visite que son père lui avoit faite, pour la forcer à épouser Blifil. Quelques paroles vagues échappées à Sophie dans un moment de trouble, parurent à l’écuyer un acquiescement formel à ses volontés. Charmé de ce succès, il se mit à boire l’après-midi selon sa coutume, et en homme généreux, ne voulant pas jouir seul de son bonheur, il ordonna que la bière coulât à grands flots dans la cuisine : de sorte qu’avant onze heures du soir, il n’y avoit point dans le château une seule personne qui ne fût ivre, hors mistress Western et sa nièce.

Le lendemain, de bonne heure, l’écuyer fit prier Blifil de venir sans délai. Il le croyoit beaucoup moins instruit qu’il ne l’étoit réellement, de l’aversion de Sophie pour lui. Cependant il brûloit de l’informer du prétendu consentement dont on vient de parler, ne doutant pas que sa fille ne le lui confirmât de sa propre bouche. Quant au mariage, la célébration en avoit été fixée, la veille, au surlendemain matin.

M. Blifil arrivé, on servit le déjeuner. L’écuyer Western, sa sœur, et le futur époux, étant réunis dans la salle à manger, un domestique eut ordre d’aller avertir Sophie.

Ô Shakespeare, que n’ai-je ta plume ! Hogarth, que n’ai-je ton pinceau ! je peindrois ce pauvre domestique à son retour, tremblant de tous ses