Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/78

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Le guide ne fut pas tout-à-fait sourd à ce langage ; il y trouva seulement quelque chose d’indéfini qui lui déplut. Quoiqu’il n’eût peut-être jamais entendu prononcer ce mot, c’étoit pourtant en cela que consistoit son objection. Il représenta à Sophie que les personnes de qualité n’avoient point égard à la position des pauvres gens ; que, peu de jours auparavant, il avoit failli être chassé par son maître, pour avoir conduit à travers champs un jeune homme venant de chez M. Allworthy, qui ne l’avoit pas ensuite récompensé comme il auroit dû le faire.

« Quel jeune homme ? dit vivement Sophie.

— C’étoit, répéta le guide, un jeune gentilhomme de chez M. Allworthy, le fils de l’écuyer, comme on le nomme, je crois.

— Où alloit-il ? quel chemin a-t-il pris ?

— Celui de Bristol, à environ vingt milles d’ici.

— Mon ami, conduis-moi au même lieu, et je te donnerai une guinée, deux guinées si une ne suffit pas.

— En conscience, mademoiselle, cela vaut bien deux guinées, pour le moins. Considérez, je vous prie, à quel péril je m’expose. Si pourtant mademoiselle me promet deux guinées, j’en veux bien courir la chance. Je sais que je manque à mon devoir, en faisant courir de droite et de