Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/93

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l’ordre moral, veut être jugée avec cette indulgence. Quelle barbarie n’y auroit-il pas à condamner un ouvrage tel que le nôtre, un ouvrage dont la composition nous a coûté tant de milliers d’heures, par l’unique raison que quelques chapitres peuvent fournir matière à une critique juste et raisonnable ? Rien de plus commun pourtant que des arrêts de proscription rendus sur d’aussi frivoles motifs. Au théâtre surtout, il suffit d’une expression qui choque le goût de l’assemblée, ou même celui d’un seul spectateur, pour exposer le poëte à l’affront des sifflets. Une scène mal accueillie compromet le sort de la pièce entière. Il est en conscience aussi impossible d’écrire sous un pareil joug, que de régler sa vie sur les opinions de certains esprits atrabilaires. Si l’on s’en rapportoit aux sentiments de quelques critiques, et à ceux de quelques dévots, aucun auteur ne seroit sauvé dans ce monde, ni aucun homme dans l’autre.