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atteints : circonstance heureuse pour la pauvre Sophie, dont la fatigue et la peur avoient presque épuisé les forces. Elle se sentit tout-à-coup rassurée par la voix d’une femme, qui la salua de la manière la plus civile et la plus douce. Dès qu’elle fut remise de son trouble, elle lui rendit son salut, avec autant de politesse que de joie.

La petite troupe qui lui avoit causé tant de frayeur se composoit, comme la sienne, de deux femmes et d’un guide. L’une et l’autre firent ensemble trois grands milles, dans un profond silence. Enfin Sophie revenue de son effroi, mais étonnée que l’inconnue continuât à la suivre à travers champs, et dans tous les détours qu’elle faisoit, prit la parole et lui dit d’un ton obligeant, qu’elle s’estimoit heureuse de voir que leur route fût la même. L’autre qui n’attendoit qu’un mot pour entrer en conversation, répondit aussitôt que le bonheur étoit tout entier pour elle ; qu’étrangère dans ce pays, elle avoit été si contente de rencontrer une personne de son sexe, qu’elle s’étoit peut-être rendue coupable, en la suivant, d’une indiscrétion difficile à excuser.

Les deux dames se firent de nouveaux compliments. Honora, par respect pour le bel habit de l’inconnue, lui avoit cédé sa place, et s’étoit retirée un peu en arrière. Sophie avoit une grande curiosité de savoir pourquoi sa nouvelle com-