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pagne s’attachoit ainsi à ses pas. Elle en concevoit même une sorte d’inquiétude. Cependant la crainte, la retenue, ou quelque autre motif, l’empêchèrent de lui adresser à ce sujet aucune question.

L’étrangère éprouvoit en ce moment un embarras, dont la dignité de l’histoire ne permet guère de faire mention. Le vent avoit emporté cinq fois son chapeau, dans l’espace du dernier mille, et elle cherchoit en vain un ruban, pour l’attacher sous son menton. Sophie, témoin de sa peine, lui offrit un mouchoir. En le tirant de sa poche, elle lâcha imprudemment la bride de son cheval. L’animal broncha, s’abattit, et jeta par terre sa belle conductrice.

Quoique Sophie fût tombée la tête la première, elle ne se fit aucun mal. Les mêmes circonstances qui occasionnèrent sa chute, lui en sauvèrent aussi la confusion. Elle se trouvoit alors dans un chemin étroit et si couvert d’arbres, que la lune n’auroit pu y introduire qu’une foible lumière, quand un nuage épais n’en eût pas obscurci presque entièrement le disque. Par ce moyen, sa modestie, très-prompte à s’alarmer, n’eut pas plus à souffrir que sa personne, et elle remonta à cheval sans autre mal que la peur.

Le jour parut enfin. Les dames qui marchoient côte à côte se regardèrent fixement. Au même