Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/98

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pas non plus en reste de politesses. Quant aux guides, ils furent privés du plaisir de la conversation, l’un trottant devant, et l’autre derrière.

Après une marche de plusieurs heures dans cet ordre, on prit un chemin large et bien battu qui conduisoit à une auberge de belle apparence, où l’on s’arrêta. Sophie étoit si fatiguée, elle avoit tant souffert de sa course nocturne, surtout pendant les cinq ou six derniers milles, qu’elle ne put descendre de cheval toute seule. L’hôte qui étoit venu au-devant d’elle, s’en aperçut et lui offrit son secours. Elle l’accepta un peu étourdiment. Il semble, en vérité, que la malicieuse fortune eût résolu ce jour-là de faire rougir notre héroïne, et elle réussit mieux dans son dessein la seconde fois que la première. L’hôte l’avoit à peine reçue entre ses bras, que ses deux jambes, affoiblies par une récente attaque de goutte, lui manquèrent en même temps, et il s’étendit par terre tout de son long. Mais il eut l’adresse et la galanterie de se placer en tombant sous son charmant fardeau, de manière qu’il fut seul froissé de la chute. Sophie n’en éprouva d’autre mal qu’une violente atteinte portée à sa pudeur. Le rire malin qu’elle observa, en se relevant, sur le visage de la plupart des spectateurs, lui fit soupçonner ce qui étoit arrivé, et ce que nous tairons ici, dussions-nous tromper l’attente de certains