Page:Fierens-Gevaert, La renaissance septentrionale - 1905.djvu/173

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raisonnable de supposer qu’après avoir exécuté le portrait de l’Infante Isabelle, Jean Van Eyck fut retenu à la cour de Jean I, grand protecteur des artistes. Il est certain que le maître exécuta d’autres portraits en Portugal ; en 1520 on en offrit deux à Marguerite, gouvernante des Pays-Bas…

D’ailleurs le grand peintre n’avait pas besoin de quitter la cour portugaise, pour assister à des spectacles rarement offerts à des hommes du nord. À la fin du mois de mai, comme les ambassadeurs rentraient à Lisbonne, Madame Eléonor, femme de l’Infant Edouard, y était reçue solennellement et traversait la ville sur une mule richement ensellée et couverte de drap d’or. La cité était parée de tapisseries, de rameaux de mai, et pleine de sonneurs de trompettes, de ménestrels, de joueurs d’orgues, de harpes, d’autres instruments. Certes ces divertissements étaient connus des gens de Flandre ; ce qui était inattendu c’était de voir les Juifs et « sarrazyns du lieu habillez à leur usaiges chantans et dansans selon leur guise » à côté des bourgeois de Lisbonne.

Enfin arriva la réponse de Philippe le Bon rapportée par Pierre de de Voeldrey ; elle était favorable. Le 4 juin les ambassadeurs virent le roi de Portugal à Cuitra, en son très plaisant hôtel, et le rédacteur du verbal nous dit qu’ils « labourèrent » si diligemment que le traité définitif put être conclu le 11 juin. Le 25 juillet à 7 heures du matin, le sire de Roubaix épousait Isabelle de Portugal par procuration, à Lisbonne. Ce fut l’occasion de grandes fêtes, joutes, ébattements ; on soupa dans la salle des Galères garnie de torches et de luminaires de cire. Le repas dura longtemps et se termina par un divertissement appelé chalenge. Des chevaliers se présentèrent à cheval, tenant un bâton au bout duquel était fixée une lettre racontant qu’ils venaient de loin et cherchaient aventure ; l’un d’eux avait couvert sa monture et ses vêtements de broches et semblait un porc-épic ; un autre était accompagné de sept planètes ; plusieurs vinrent gracieusement habillés et déguisés chacun selon son plaisir. Les trompettes sonnaient avec éclat ; l’Infante transportée, cria : Joute à jouter ! et promit une riche coupe au vainqueur du lendemain, un diamant au triomphateur du surlendemain…

Puis il fallut songer au départ pour la Flandre. Il y eut une messe solennelle en la cathédrale de Lisbonne et le dernier jour de septembre l’Infante fut mise « en nave » c’est-à-dire qu’elle s’installa dans le navire qui devait la mener vers son mari. Elle avait le cœur gros de quitter sa patrie et ce n’est que le samedi 8 octobre qu’on leva l’ancre. La flotte de retour se composait de quatorze « grandes naves bien fournies, armées et installées » ; elle quitta Lisbonne à la vesprée, s’arrêta à Calcaës et repartit. Mais la mer