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cette Vierge de Berlin est trop ondoyant, trop mollement tuyauté pour être du grand maître qui aime les manteaux étalés, aux cassures multiples et qui garde toujours un accent de mâle vigueur dans son dessin et son modelé.[1]

La Tête de Christ du musée de Berlin est signée, datée et porte la devise. « Johannes de Eyck me fecit et applevit anno 1438. 31 Januarii. Als ikh kan. » Nous reconnaissons le Christ de Bruges. De plus le Sauveur a toute la majesté, la noblesse, la pureté de Dieu le Père dans l’Adoration de l’Agneau ; même grâce physique, même modelé idéal ; mais le Roi des Rois a dépouillé les signes de la domination et son visage n’est que bonté. C’est ici le doux pasteur des âmes. Sur le fond, de merveilleuses lignes ornementales évoquent les bras de la croix ; et quatre lettres nous disent dans leur langage théologique que Jésus est le commencement et la fin. Jean Van Eyck avait-il vraiment conçu ce type de Christ dans sa jeunesse, ainsi que pourrait le faire croire l’exemplaire de Bruges ? Ou le créa-t-il à la fin de sa carrière après avoir peint Dieu le Père dans l’Adoration de l’Agneau ? En tout cas cette tête douce, résignée, où le génie flamand a profondément écrit son sentiment de la spiritualité divine, devint une sorte de canon pour l’école. On en trouve des copies anciennes à la pinacothèque de Munich et dans une collection anglaise. Tout le quinzième siècle flamand sera comme hanté de cette vision, et à l’aurore de la Renaissance italianisante, le noble et religieux Quentin Metsys, dans ces Têtes de Christ, peindra la même image, avec la même candeur, la même douceur, la même beauté ingénuement idéalisée.

Le musée de Berlin possède un Christ bénissant vu de profil que l’on attribue généralement à Jean Van Eyck. Nous avouons ne pas avoir de certitude à cet égard. L’œuvre rappelle un camée qui vint de Constantinople à Rome à la fin du XVe siècle et devint la propriété du pape Innocent VIII.[2]

La petite Madone à la Fontaine, du musée d’Anvers et le portrait de la

  1. Cette Vierge de Berlin est attribuée à Hubert par MM. Weale et Durand-Gréville. Les autres répliques de la Vierge dans l’Eglise sont : 1° au musée d’Anvers, l’un des volets du précieux Diptyque de Christian de Hondt, attribué à Memling ; 2° au Palais Doria, à Rome, le volet gauche du diptyque de Messer Antonio Siciliano que Gabriel Vendramin de Venise possédait en 1530 dans son cabinet d’étude ; 3° un dessin à la plume de la collection Robinson de Londres où la Vierge s’alourdit et s’empâte ; 4° une Madone de la collection du duc de Newcastle, œuvre d’un successeur de Memling. Cf. Kaemmerer op. cit. pp. 76 et suiv.
  2. Cf. Kaemmerer. H. and J. Van Eyck. p. 95. et Bode : Königliche Museen zu Berlin. Pour M. Durand-Gréville le Christ bénissant et la Tête de Christ sont de Hubert. Cf. les Anciens Arts de Flandre, art. cit. p. 33 et 34.