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LES PRIMITIFS FLAMANDS Z^5

chacun s'accorde à dire qu'il en est peu de comparables en élégance en Belgique (i). » Sanderus ne nous donne ni le nom du peintre, ni celui du prélat qui dota l'abbaye de Diligem de cet important retable. Grâce à M. A.-J. Wauters nous pouvons aujourd'hui tenir pour certain que l'œuvre fut commandée en 1537-1 538 par l'abbé Jean de Tuegele, lequel est portraituré devant son prie-Dieu sur le volet représentant l'ascension de Marie-Madeleine. Depuis un demi-siècle on cherchait le nom de ce prélat dont le blason et la devise se voient sur le tapis rose recouvrant le prie-Dieu. Or la devise est Cum moderamine . Ces deux mots latins renferment la clef du mystère. Cum mode" ramine signifie en flamand : met teugel (avec frein). Il s'agit d'une devise formée avec un nom de famille et que l'abbé Jean de Tuegele aura choisie au moment de son élévation à la prélature.

Nous croyons bien que le nom de l'abbé mitre de Diligem, Jean de Tuegele, s'imposera et que les historiens s'accorderont à voir en lui le donateur du retable de Marie-Madeleine. Nous ne comprenons pas, d'autre part, pourquoi M. Wauters, attri- buant le triptyque de Diligem à Corneille van Coninxloo le jeune, se soit contenté d'une simple affirmation sur ce point capital. Jean de Tuegele assurément a pu con- naître van Coninxloo; les architectures du triptyque de Diligem sont voisines, comme style, des ornements de la "Parenté de la "Vierge et du triptyque de Palerme. Mais ces deux dernières œuvres sont de la technique la plus fine; un praticien amoureux de détails précieux les a minutieusement dessinées, modelées ; le peintre du triptyque paler- mitain n'est ni un grand poète, ni un puriste de la forme ; en revanche son exécution délicate et chatoyante tient du prodige et réveille en plein XVI* siècle les fastes de nos enluminures du XV'. La Légende de la Madeleine est assez éloignée de cet arl de joaillier — sauf en deux ou trois endroits (la tenture déployée derrière le Christ, les anges en dinanderie sur les volées de l'escalier). Le peintre du triptyque de Diligem met en scène des figures caractérisées, visant déjà au style ; son coloris pourrait avoir plus d'harmonie. Le peintre du triptyque Malvagna et de la "Parenté peint des figurines charmantes mais sans individualité ; son coloris, en revanche, est de la plus rare qualité. Qu'il soit l'auteur ou non du retable de Diligem, Corneille van Coninxloo le Jeune n'en reste pas moins bon décorateur et maître en très fine peinture.

(1) Canobiograpbkt Sacra abbalim JtUtmii ouifo OUI;«in, (ol, 6, i' col., cité par A.-J. WAUTtas, op. ciM.