Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/13

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Par malheur, l’historien de Byzance ne fait mention ni de robinet ni de soupape ; il est donc plus simple de regarder comme apocryphe l’aventure romanesque d’Agathias.

C’est avec un sentiment semblable qu’il faut accueillir l’assertion émise par Robert Stuart, en ces termes laconiques :

« En 1563 un certain Mathésius, dans un volume de sermons intitulé Sarepta, parle de la possibilité de construire un appareil dont l’action et les propriétés paraissent semblables à celles de la machine à vapeur moderne[1]. »

Ce Mathésius, d’après M. Léon Lalanne, était maître d’école à Joachimsthal, ville de Bohême, autrefois célèbre par ses mines d’argent, de cuivre et d’étain. Son ouvrage, imprimé à Nuremberg, en 1562 (Sermonnaire des mines), n’est qu’un livre de prières. Voici le passage auquel l’écrivain anglais fait allusion :

« Au moyen de l’eau, du vent et du feu, et moyennant de beaux mécanismes, que l’eau et le minerai s’élèvent et soient mis en mouvement des plus grandes profondeurs, afin que la dépense soit diminuée et que ces trésors cachés puissent être d’autant plus tôt percés et mis au jour… Vous, mineurs, glorifiez dans les chants des mines l’excellent homme qui fait monter aujourd’hui le minerai et l’eau sur le Platten au moyen du vent, et comment maintenant on élève l’eau au jour avec le feu. »

Il faut beaucoup de volonté pour trouver dans le texte de cette exhortation évangélique l’indication d’un appareil « dont l’action et les propriétés paraissent semblables à celles de la machine à vapeur moderne. » Il pouvait exister dans les mines diverses machines mues par le vent ou par l’air échauffé ; mais rien n’indique, dans la pieuse invocation de Mathésius, la moindre allusion à une machine agissant au moyen de l’eau réduite en vapeur.

Robert Stuart ajoute :

« Trente ans après, dans un livre imprimé à Leipsick en 1597, on trouve la description de ce qu’on appelle un éolipyle, que l’on peut, dit-on, utiliser en l’adaptant à un tournebroche. »

L’éolipyle, appareil connu, comme on vient de le voir, depuis une époque fort reculée, a beaucoup attiré l’attention des physiciens du moyen âge, qui ignoraient cependant la cause des effets curieux qu’il produit, et s’imaginaient que l’eau s’y transformait en air. Il n’est donc pas impossible que l’insignifiante et pauvre application dont parle Robert Stuart ait pu être réalisée, bien qu’il ne nous donne aucune indication positive sur l’ouvrage qui la mentionne.

Arago et tous les écrivains français qui, s’occupant, après lui, de l’histoire de la machine à vapeur, se sont bornés à reproduire ses opinions, admettent que la première expérience relative aux effets mécaniques de la vapeur d’eau a été faite au commencement du xviie siècle, par un gentilhomme de la chambre de Henri IV, nommé David Rivault, seigneur de Flurance, précepteur de Louis XIII.

« Pour rencontrer, dit Arago, après les premiers aperçus des philosophes grecs, quelques notions utiles sur les propriétés de la vapeur d’eau, on se voit obligé de franchir un intervalle de près de vingt siècles. Il est vrai qu’alors des expériences précises, concluantes, irrésistibles, succèdent à des conjectures dénuées de preuves.

« En 1605, Flurance Rivault, gentilhomme de la chambre de Henri IV et précepteur de Louis XIII, découvre, par exemple, qu’une bombe à parois épaisses, et contenant de l’eau, fait tôt ou tard explosion quand on la place sur le feu après l’avoir bouchée, c’est-à-dire lorsqu’on empêche la vapeur d’eau de se répandre librement dans l’air à mesure qu’elle s’engendre. La puissance de la vapeur d’eau se trouve ici caractérisée par une épreuve nette et susceptible jusqu’à un certain point d’appréciations numériques ; mais elle se présente encore à nous comme un terrible moyen de destruction[2]. »

Arago nous dit encore, à propos de l’expérience du marquis de Worcester qui fit éclater un canon par l’action de la vapeur :

« Cette expérience était déjà connue en 1605, car Flurance Rivault dit expressément que les éolipyles crèvent avec fracas quand on empêche la vapeur de s’échapper. Il ajoute même : « L’effet de la raré-

  1. Histoire descriptive de la machine à vapeur, traduit de l’anglais de Robert Stuart (Robert Mickelham), in-12, p. 32. Paris, 1827.
  2. Notice biographique sur James Watt (Notices biographiques, t. I, p. 394).