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truits par la marine britannique, fut lancé, en 1843, dans les chantiers de Bristol. C’était le premier essai, au moins sur d’aussi grandes proportions, d’un bâtiment à vapeur dans lequel le fer était partout substitué au bois, et les roues à aubes remplacées par l’hélice. Ce magnifique bâtiment, qui eut pour parrain le prince Albert, fut nommé le Great-Britain. Il avait 98 mètres de longueur, sur 15 et demi de largeur. Sa machine était de la force de 1 000 chevaux. Il ne répondit pas cependant aux hautes espérances qu’il avait fait concevoir. Après avoir reçu sa machine, son tirant d’eau se trouva si considérable qu’il ne put franchir l’entrée du bassin de Liverpool, et il demeura longtemps prisonnier dans l’enceinte même où il avait été construit. Il fallut, pour l’en délivrer, toute l’habileté des meilleurs ingénieurs de l’Angleterre.

Le Great-Britain avait accompli plusieurs fois avec succès le voyage d’Amérique, lorsque sa carrière se trouva soudainement interrompue. Le capitaine par suite d’une erreur de navigation, le jeta sur la côte d’Irlande. Il demeura, pendant tout l’hiver de 1846, échoué dans la baie de Dundrum. Ce n’est qu’avec les plus grandes difficultés que l’on parvint à remorquer cet énorme navire, à travers la mer d’Irlande, jusqu’au bassin de Liverpool, où il a offert pendant plusieurs années un assez triste spectacle.

Le premier navire à vapeur qui ait fait le tour du monde, c’est le Driver (le Chasseur). Ce navire partit de l’Angleterre le 16 mars 1842, sous le commandement de M. Harmer, qui mourut en Chine. Le capitaine Hayes prit le commandement du navire, et le ramena en Angleterre. Reparti de Liverpool, le Driver, après avoir touché successivement à l’île Maurice, à Singapour et à Hong-Kong, séjourna dans les mers de la Chine de 1842 à 1845, et plus tard dans les parages des Indes.

La France ne devait pas longtemps rester en arrière du mouvement rapide imprimé en Europe à la navigation par la vapeur. On a vu que, dès l’année 1816, à l’époque où la marine à vapeur commençait à recevoir en Angleterre ses premiers développements, on avait essayé de l’établir parmi nous. Mais la route était alors à peine tracée, nos mécaniciens avaient échoué dans cette entreprise. Ces tentatives furent reprises six mois après.

Comme la marine à vapeur se trouvait, aux États-Unis, dans une situation florissante, on prit le sage parti d’aller chercher des leçons dans ces contrées. En 1822, le ministre de la marine envoya dans le Nouveau-Monde, un ingénieur de mérite, M. Marestier, avec mission de prendre sur les lieux, une connaissance détaillée et complète des travaux exécutés en ce genre dans les divers États de l’Union. Un savant capitaine de frégate, M. de Montgery, reçut, en même temps, l’ordre de se rendre, avec le bâtiment qu’il commandait, dans les divers ports de l’Amérique, et d’y étudier les bateaux à vapeur, sous le rapport de leur service nautique et militaire.

La mission confiée à M. Marestier porta tous les fruits que l’on attendait de l’expérience et des talents de cet ingénieur. Le travail remarquable qu’il présenta en 1823, à l’Académie des sciences de Paris, sous le titre de : Mémoires sur les bateaux à vapeur des États-Unis d’Amérique, fit connaître, avec les plus grands détails, l’état, à cette époque, de la marine à vapeur dans les diverses contrées du nouveau monde. L’auteur concluait que ce système de navigation offrait assez d’avantages pour que l’on en décidât l’adoption immédiate sur les mers et sur les rivières de l’Europe. Les formules pratiques et les renseignements contenus dans son ouvrage fournirent les moyens de construire dans nos usines, des bâtiments à vapeur offrant toutes les qualités de ceux qui naviguaient dans les parages de l’Amérique.

En 1835, les bateaux à vapeur de la Saône doublaient en nombre ; en même temps ils