Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/314

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le roi Léopold et son ministre Charles Rogier, appréciaient parfaitement le rôle économique et le rôle politique destiné aux chemins de fer. Ils comprenaient tout le parti spécial qu’ils pourraient en tirer, pour fixer la position du peuple belge, petit par le nombre de ses habitants et l’étendue de son territoire, mais grand par son intelligence et l’excellence de ses institutions. Le ministre Charles Rogier, appela, dès l’année 1833, Pierre Simons, avec son beau-frère de Ridder, à faire les premières études du réseau des chemins de fer belges.

Fig. 146. — Pierre Simons, créateur des chemins de fer belges.

En peu de temps, le jeune ingénieur fut en état de présenter les plans des grandes voies de communication qui devaient unir les différentes parties de la Belgique entre elles et avec les pays voisins. Pierre Simons eut aussi la mission flatteuse, de défendre devant les chambres de la Belgique, comme commissaire du gouvernement, le projet de loi relatif à ces travaux.

La direction des travaux des chemins de fer lui fut confiée, par un arrêté royal du 31 juillet 1834.

Cinq ans après, le 6 mai 1839, la Belgique inaugurait le chemin de fer de Bruxelles à Malines. En 1836, avait été déjà inauguré le chemin de Malines à Anvers.

Pierre Simons était comblé d’honneurs, et jouissait d’une réputation européenne, lorsqu’il fut atteint d’une disgrâce imprévue.

M. Charles Rogier ayant quitté le ministère des travaux publics, son successeur n’eut pas pour Pierre Simons, tous les égards que ce savant méritait. Simons refusa d’accepter un emploi qui ne lui paraissait pas en rapport avec les services qu’il avait rendus, et le ministre crut devoir le mettre en disponibilité.

Cet acte d’ingratitude envers un homme qui s’était fait remarquer par son zèle, sa probité et ses rares talents, eut dans toute la Belgique un retentissement douloureux.

Les hommes qui vivent surtout par l’intelligence, ceux dont les travaux et l’étude exaltent encore la noblesse des sentiments naturels, sont éminemment sensibles à l’injustice. Pierre Simons, blessé au cœur, résolut de quitter la Belgique. Il avait accepté la mission de se rendre en Amérique, pour créer un réseau de chemins de fer dans l’État de Guatémala. Mais ses longs travaux et ses chagrins avaient ruiné sa santé. Quand vint le moment du départ pour l’Amérique, il fallut le porter à bord de la goëlette de l’État, la Louise-Marie, qui l’enlevait pour toujours à sa patrie.

Pierre Simons ne toucha pas même le sol de l’Amérique. Son voyage ne fut qu’une agonie. Il expira à bord de la goëlette, le 14 mai 1843, à l’âge de quarante-six ans.

Le buste de cet ingénieur éminent se voit aujourd’hui, dans la principale station du chemin de fer, à Bruxelles. Mais le plus beau monument qui consacre sa mémoire, c’est le réseau entier des chemins de fer belges, dont