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par la véhémente et longuement continue chaleur du fourneau : lequel air se mesle avec la chaux et s’attache à ses menues parties. »

La chaux signifie ici l’oxyde de plomb ou d’étain. On ne peut se refuser à reconnaître que Rey exprime dans ce passage, l’idée que l’air est pesant. Malheureusement, il ne songea probablement pas à la portée de cette découverte, et comme Galilée, il la laissa échapper de ses mains.

Torricelli, avons-nous dit, soupçonna que le poids de l’atmosphère agissant sur la surface de l’eau, pouvait être la cause de l’ascension de ce liquide dans le tuyau des pompes. Pour vérifier cette conjecture par l’expérience, il eut l’heureuse idée de substituer à l’eau un liquide plus lourd : le mercure. Comme la densité du mercure est environ quatorze fois supérieure à celle de l’eau, la théorie faisait prévoir que la pression de l’air pourrait seulement tenir en équilibre une colonne de mercure à une hauteur quatorze fois moindre, c’est-à-dire à 28 pouces (0m,75).

Torricelli parla de son projet à son condisciple, Vincent Viviani.

Ce fut ce dernier qui entreprit, en 1643, d’exécuter l’expérience proposée.

Viviani remplit de mercure un tube de verre de trois pieds (0m,97) de long, fermé à l’une de ses extrémités ; il boucha avec le doigt son extrémité inférieure, et plongea le tube ainsi préparé, dans une cuvette pleine de mercure. Retirant alors le doigt, il vit le mercure descendre en partie dans l’intérieur du tube, et, après quelques oscillations, rester suspendu en équilibre à la hauteur de 28 pouces au-dessus du niveau du mercure de la cuvette, c’est-à-dire précisément à la hauteur indiquée par la théorie.

Telle fut la célèbre expérience qui fut désignée depuis ce moment sous le nom d’expérience de Torricelli, ou bien encore expérience du vide.

Aux yeux de Torricelli, elle établissait clairement le phénomène de la pesanteur de l’air. Cependant cette démonstration était trop indirecte pour convaincre des esprits trop peu familiarisés encore avec l’observation. Les physiciens s’occupèrent avec beaucoup de curiosité et d’intérêt de cet espace vide existant entre le sommet du tube et l’extrémité de la colonne de mercure ; on désigna cet espace sous le nom de vide de Torricelli. Mais l’explication du fait de l’équilibre du mercure dans un tube, par la pesanteur de l’air, rencontra des résistances opiniâtres. Les esprits les plus éclairés de l’époque éprouvaient la plus vive répugnance à abandonner l’ancienne opinion des écoles touchant le plein universel.

Torricelli ne tarda pas à remarquer que la hauteur de la colonne mercurielle ne demeurait pas constante, et il pensa que ces oscillations devaient répondre à des changements dans le poids de l’atmosphère. Dès 1644, il annonça ce résultat à son ami Angelo Ricci, qui était alors à Rome. Il lui dit, dans l’une de ses lettres, qu’il s’est occupé de ces expériences moins dans le but de produire un espace vide, que dans celui d’obtenir un instrument propre à mesurer les variations de pesanteur survenues dans l’atmosphère. Le tube de Torricelli était donc le baromètre en germe.

Angelo Ricci correspondait à cette époque avec le Père Mersenne, religieux de l’ordre des Minimes, le condisciple et l’ami de Descartes. Ce savant religieux parcourait l’Europe vers 1646, pour rassembler, sur les sciences de son époque, des renseignements précis qu’il se hâtait de communiquer au reste des savants. Il eut connaissance, à Rome, de l’expérience de Torricelli, et il en apporta la nouvelle en France.

M. Petit, intendant des fortifications de Rouen, avait appris du Père Mersenne, les détails de l’expérience de Torricelli ; il se hâta d’en informer Blaise Pascal, qui se trouvait alors auprès de son père, intendant des finances de la ville de Rouen.