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Petit et Blaise Pascal répétèrent ensemble l’expérience du physicien romain, et c’est ainsi que Pascal fut amené à entreprendre les recherches dont il publia les résultats sous le titre de Nouvelles Expériences touchant le vuide.

Fig. 17. — Le Père Mersenne.

La plus célèbre et la plus curieuse de ces expériences est celle où Pascal, remplissant de vin rouge un tube de verre de quarante-six pieds (13m,942) de longueur, fermé à l’un de ses bouts, le renverse dans un baquet plein d’eau, et voit le liquide coloré se maintenir en équilibre, à une hauteur de trente-deux pieds (10m,395), variant ainsi l’expérience de Torricelli, et rendant en même temps, plus manifeste, le fait observé par les fontainiers de Florence.

Mais si l’on veut connaître exactement l’état de la physique au milieu du xviie siècle, et apprécier sous son vrai jour, cette période de l’histoire des sciences, il faut savoir comment Pascal lui-même interprétait ce phénomène. Pascal, alors dans toute la force et dans tout l’éclat de son génie, n’hésite pas à expliquer par le vieil axiome de l’horreur du vide tous les faits que l’expérience lui révèle. Il admet, et il croit démontrer, que la nature a horreur du vide ; il ajoute seulement, comme Galilée, que cette horreur a des limites, et qu’elle se mesure par le poids d’une colonne d’eau d’environ trente-deux pieds de hauteur[1].

L’agression de Pascal contre les principes de l’école était, comme on le voit, bien timide ; cependant elle souleva des tempêtes dans le monde philosophique. Un jésuite, le Père Étienne Noël, crut devoir prendre en main la défense des saines doctrines. Il écrivit à ce sujet une longue lettre que l’on trouve dans le recueil des œuvres de Pascal, et dont nous recommandons la lecture aux personnes qui désirent se faire une juste idée de la nature des obstacles que la physique eut à combattre à ses débuts.

Pascal repoussa, par une Réponse accablante, les arguments de son antagoniste. Mais le jésuite ne se tint pas pour battu, et il répliqua par un traité en forme, sous ce singulier titre : Le plein du vuide. Dans la dédicace de ce lourd factum, adressé au prince de Conti, le Père Noël représente la nature comme injustement accusée d’un tort qui ne lui appartient pas, il se constitue son défenseur et porte la parole en son nom :

« La nature, dit-il, est aujourd’hui accusée de vuide et j’entreprends de l’en justifier en présence de Votre Altesse : elle en avoit bien été auparavant soupçonnée ; mais personne n’avoit encore la hardiesse de mettre ses soupçons en fait, et de lui confronter les sens et l’expérience. Je fais voir ici son intégrité, et montre la fausseté des faits dont elle est chargée, et les impostures des témoins qu’on lui oppose. Si elle étoit connue de chacun comme elle l’est de Votre Altesse, à qui elle a découvert tous ses secrets, elle n’auroit été accusée de personne, et on se seroit bien gardé de lui faire un procès sur de fausses dépositions, et sur des expériences mal reconnues et encore plus mal avérées. Elle espère, Monseigneur, que vous lui

  1. « La force de cette inclination est limitée, et toujours égale à celle avec laquelle l’eau d’une certaine hauteur, qui est environ de trente et un pieds, tend à couler en bas. » (Œuvres de Blaise Pascal, édition de 1779, t. IV, p. 67.)