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trisation des liquides. Il fit voir qu’une goutte d’eau, électrisée et isolée sur un plateau de verre, attire et repousse ensuite les corps légers qu’on lui présente ; et qu’une masse liquide, telle que du mercure ou de l’eau, se soulève, sous la forme d’un cône, quand on en approche un gros tube de verre électrisé[1].

Il découvrit encore que le corps de l’homme peut s’électriser. Il prouvait ce dernier fait en plaçant, sur un gâteau de résine, destiné à l’isoler, un enfant, qu’il mettait en communication avec un tube de verre électrisé.

Il eut aussi l’idée de suspendre un enfant sur des cordons de crin dans une position horizontale, et constata que, lorsqu’il avait mis en contact avec l’enfant son tube de verre frotté, la tête et les pieds attiraient les corps légers[2].

Après avoir énuméré les découvertes d’Étienne Grey, notons une opinion de cet observateur, erronée sans nul doute, mais bien digne d’être signalée par son analogie avec les vues qu’avait précédemment émises sur le même sujet, Otto de Guericke.

Grey avait cru reconnaître que les corps légers suspendus par un fil et attirés par l’action électrique, exécutent leur révolution d’occident en orient, dans des ellipses dont il détermina les foyers. Il s’était flatté de parvenir, par cette analogie de mouvement, à dévoiler le mécanisme du système de l’univers et l’essence de l’attraction planétaire. Cette pensée le suivit jusqu’au tombeau. Il la communiqua, la veille de sa mort, au secrétaire de la Société royale de Londres, le docteur Mortimer, à qui il laissa le plan des expériences à exécuter pour la confirmer.

Voulant se convaincre par lui-même de l’existence du phénomène, Mortimer exécuta les expériences, et partagea l’erreur de son ami. Il fallut, pour la détruire, que Wehler, répétant les mêmes essais, en présence des membres de la Société royale de Londres, et dans le lieu consacré à ses séances, obtînt un résultat différent de celui que Mortimer avait annoncé.

L’erreur dans laquelle Grey et Mortimer étaient tombés avait sa source dans le même phénomène physico-mental qui rend compte des effets du pendule explorateur et des tables tournantes. C’est le désir secret, chez l’opérateur, de produire le mouvement d’occident en orient, dans les corps électrisés, qui avait provoqué les corps suspendus, à se mouvoir suivant cette direction, au moyen d’une impulsion légère, et d’ailleurs tout à fait involontaire, donnée par la main qui tenait le corps suspendu.

Ce qui prouve la vérité de notre explication, c’est que Grey recommande, comme condition indispensable au succès de l’expérience, de faire soutenir le fil, non par un point fixe quelconque, mais par l’expérimentateur lui-même. Les phénomènes qu’il décrit ne se reproduisaient plus quand on remplaçait la main de l’expérimentateur par un support matériel.

Dans son Histoire de l’électricité, Priestley donne, à propos des faits qui précèdent, les détails intéressants qui vont suivre.

« La plus grande erreur que M. Grey paraît avoir adoptée, dit Priestley, fut occasionnée par des expériences qu’il fit avec des balles de fer, pour observer la révolution des corps légers autour d’elles. L’article qui regarde ces expériences étant le dernier que M. Grey ait écrit, je le rapporterai tout au long, comme une chose curieuse :

« J’ai fait dernièrement, dit Grey, plusieurs expériences nouvelles sur le mouvement projectile et d’oscillation des petits corps par l’électricité, au moyen desquelles on peut faire mouvoir de petits corps autour des grands, soit en cercles ou en ellipses, qui seront concentriques ou excentriques au centre du plus grand corps, autour duquel ils se meuvent, de façon qu’ils fassent plusieurs révolutions autour d’eux. Ce mouvement se fera constamment du même sens que celui dans lequel les planètes se meuvent autour du soleil, c’est-à-dire de droite à gauche ou d’occident en orient ; mais ces petites planètes, si je puis les nommer ainsi, se meuvent beaucoup plus vite dans les parties de

  1. Philosophical Transactions, vol. VII, p. 23 (abridg.).
  2. Ibid., vol. VII, p. 20 (abridg.).