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l’École de pharmacie de Paris, dans sa Thèse pour le doctorat ès sciences présentée en 1854, à la Faculté des sciences de Paris.

« Il me semble bien difficile, dit Robiquet, pour ne pas dire impossible, de déterminer des différences de conductibilité ou d’adhérence dans un fluide dont la vitesse est si prodigieuse, et par conséquent on n’a pas le droit de nier que ces différences existent. Qu’y a-t-il d’ailleurs de surprenant à ce que l’électricité se propage et se distribue de la même manière à la surface des corps conducteurs présentant au point de vue physique des propriétés générales semblables, de même que tous les corps qu’on peut amener à l’état de précipités noirs pulvérulents, aussi semblables que possible au noir de fumée, absorbent de la même manière les rayons calorifiques, ainsi que M. Masson l’a démontré par des expériences aussi précises et aussi irréprochables que celles qu’il a l’habitude de faire ?

« L’illustre Faraday, en découvrant qu’un même courant électrique traversant les dissolutions de plusieurs métaux, en sépare des poids sensiblement proportionnels à leurs équivalents, autorise lui-même à penser qu’il existe pour l’électricité statique une sorte d’affinité élective, mais que les nuances de cette affinité ont échappé jusqu’à présent à toutes les méthodes d’investigation. »

Dans la Thèse qui nous a fourni les passages précédents, Robiquet s’est proposé de compléter et de développer la pensée émise par Bigeon, dont le mémoire n’était qu’une simple note sur un sujet que la mort l’a empêché sans doute de traiter dans tout son développement. Robiquet explique donc, suivant l’une et l’autre théorie, les expériences fondamentales de l’électricité. Il expose ensuite, suivant l’une et l’autre hypothèse, la théorie de quelques instruments employés à la démonstration des phénomènes électriques, et il montre que le système de Franklin, c’est-à-dire l’hypothèse du fluide unique, rend compte de ces phénomènes d’une manière tout aussi simple que la théorie qui lui a été préférée jusqu’à nos jours.

Revenons pourtant à Franklin et à sa théorie.

Malgré ses avantages, malgré la clarté qu’elle introduisait dans l’interprétation des phénomènes, la théorie de Franklin ne fut pas acceptée dans la science. On continua d’admettre, avec les physiciens français, l’hypothèse des deux fluides à propriétés différentes, et cette théorie a été professée jusqu’à nos jours. Elle est plus commode, en effet, pour l’enseignement, pour l’exposition dogmatique, mais rien ne prouve qu’elle soit conforme à la réalité.

La théorie de Franklin, ouvrage d’un esprit net et profond, sera toujours citée avec respect et avec reconnaissance, car c’est en la prenant pour guide que son auteur fut conduit à l’une des plus belles découvertes dont la physique se soit enrichie, c’est-à-dire à l’analyse, à l’explication physique du mécanisme de la bouteille de Leyde. C’est par des expériences pleines de finesse, de pénétration et d’élégance que Franklin fut conduit à cette découverte admirable.

Voici comment, d’après les expériences de Franklin, on se rend compte aujourd’hui des phénomènes de la bouteille de Leyde.

Ses effets s’expliquent par la différence que présentent, sous le rapport de l’état électrique, ses surfaces interne et externe, que l’on désigne d’habitude sous le nom de garniture extérieure et de garniture intérieure. Avant que l’on ait fait jouer la machine électrique, la garniture intérieure, c’est-à-dire la partie interne du verre et les feuilles d’or que renferme la bouteille, sont à l’état neutre (pour employer les termes de la théorie de Dufay) ; c’est-à-dire que les deux fluides positif et négatif existent dans ce corps, mais neutralisés, paralysés par leur combinaison. Quand on fait agir la machine électrique qui développe par exemple du fluide positif, et que l’on met la bouteille de Leyde en communication avec le conducteur de cette machine, le fluide positif passe à l’intérieur ou dans la garniture intérieure de la bouteille. Parvenu là, ce fluide positif agit, à travers l’épaisseur du verre, sur les deux fluides qui existent à l’état neutre dans la garniture extérieure.