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tant le soufre ! le fait était extraordinaire ; aussi fut-il remarqué.

Dès qu’il fut remis des émotions de l’événement, le prieur de Marly s’empressa d’écrire à Dalibard une lettre qui contenait les détails de cette expérience, et Coiffier partit pour la remettre à Paris. Le prieur annonçait, dans cette lettre, le succès de la belle expérience préparée par Buffon et Dalibard. Les détails qu’elle renfermait firent la matière d’un mémoire que Dalibard lut le 13 mai 1752 à l’Académie des sciences, où il produisit la plus vive sensation. On imagine sans peine, en effet, avec quel sentiment de joie fut reçue par les savants de la capitale cette démonstration éclatante de l’un des faits les plus importants de l’ordre naturel.

Huit jours après l’expérience de Marly, l’appareil élevé par le physicien Delor sur le toit de sa maison de la place de l’Estrapade, donna des signes manifestes d’électricité, bien qu’il n’y eût pas en ce moment d’orage proprement dit.

La barre de fer disposée par Delor, avait le double de la hauteur de celle de Marly. Elle était de quatre-vingt-dix-neuf pieds de haut, et reposait, à sa partie inférieure, sur un gâteau de résine de deux pieds carrés et de trois pouces d’épaisseur.

Le 18 mai, entre quatre et cinq heures du soir, une nuée orageuse se montra au-dessus de cet appareil, et mit environ une demi-heure à passer. Pendant ce temps, Delor tira de la barre des étincelles toutes semblables à celles des machines électriques : les plus fortes furent tirées à la distance de neuf lignes. Delor observa que la barre continuait encore à fournir des étincelles, lorsque le nuage orageux avait été poussé par le vent jusqu’au-dessus de la Seine, c’est-à-dire à deux heures environ du lieu de l’observation[1].

Comme la quantité d’électricité tirée du nuage dans cette première expérience n’avait pas été très-considérable, Delor ajouta à son appareil ce qu’il appela un magasin d’électricité, qui consistait en plusieurs tiges de fer isolées communiquant avec la barre principale. Avec cette adjonction, l’appareil de Delor donna des étincelles plus fortes.

Le lendemain de l’expérience faite à Paris par le physicien de la place de l’Estrapade, c’est-à-dire le 19 mai 1752, Buffon, qui se trouvait à Montbard, eut la satisfaction de voir son appareil s’électriser. Une nuée orageuse ayant passé au zénith de la verge de fer qu’il avait élevée sur la tour de son château, Buffon, armé d’un excitateur, tira de la verge métallique un grand nombre d’étincelles.

L’abbé Mazéas, à Paris, plaça en haut de sa maison un appareil fort simple pour répéter la même expérience. Il fit passer en dehors de sa fenêtre une longue perche de bois terminée par une baguette de fer pointue, de douze pieds de longueur. Il avait ajouté à cet appareil le magasin d’électricité imaginé par Delor, et il tira, en approchant le doigt, d’assez fortes étincelles de la tige de fer[2].

Les expériences que nous venons de rapporter ayant produit une grande impression dans la capitale, le roi voulut en être témoin. Sur ce désir, le duc d’Ayen offrit à Louis XV sa maison de campagne de Saint-Germain, et Delor fut chargé d’y répéter ces expériences[3]. Ce n’était pas d’ailleurs la première fois que les courtisans chargés du soin de distraire sa royale personne avaient eu recours à l’électricité. En 1746, c’est devant Louis XV que Nollet, comme nous l’avons vu, avait fait passer la commotion de la bouteille de Leyde à travers une chaîne formée par deux cents gardes françaises.

Quand les physiciens du reste de la France eurent connaissance des expériences sur l’é-

  1. Lettre de Delor, imprimée dans les Transactions philosophiques, t. XLVIII, p. 370.
  2. Histoire de l’électricité, de Priestley, t. II, p. 164.
  3. Lettre de l’abbé Mazéas au docteur Hales, du 20 mai 1752.