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quant une souris vivante qu’il tenait d’une main dans une position fixe, éprouva, en touchant avec son scalpel, le nerf intercostal de l’animal, une petite commotion, semblable à celle que produit l’électricité. Ce fait était si exceptionnel ; il était, et il est encore pour nous si étrange, qu’il ne pouvait fixer l’attention d’aucun expérimentateur, ni engager personne à faire des recherches pour l’expliquer.

Nous devons ajouter, pour rendre complète cette revue des antécédents de la découverte de Galvani, un fait rapporté par Swammerdam, dans un ouvrage publié à la fin du xviie siècle, intitulé Biblia naturæ[1], et sur lequel Duméril a, le premier, attiré l’attention.

« Voici, dit Duméril, la description de l’appareil et de l’expérience que Swammerdam fit devant le grand duc de Toscane en 1678. Soit un tube de verre cylindrique dans l’intérieur duquel est placé un muscle, dont sort un nerf qu’on a enveloppé dans les contours d’un petit fil d’argent, de manière à pouvoir le soulever sans trop le serrer ou le blesser. On a fait passer ce premier fil à travers un anneau pratiqué à l’extrémité d’un petit support de cuivre soudé sur une sorte de piston ou de cloison ; mais le petit fil d’argent est disposé de manière qu’en passant entre le verre et le piston, le nerf puisse être attiré par la main et toucher ainsi le cuivre. On voit aussitôt le muscle se contracter. »

Cette expérience ressemble beaucoup à celle de Galvani ; mais la manière dont le physicien de Bologne fit sa découverte prouve suffisamment qu’il n’avait pas eu connaissance du fait rapporté par Swammerdam.

Les admirables travaux de Galvani, qui n’avaient eu, comme on le voit, aucun précédent sérieux, vinrent subitement dévoiler toute une série de phénomènes encore ignorés dans l’ordre des fonctions animales. Une foule d’expérimentateurs entrèrent dès lors dans cette voie séduisante.

Après Galvani, qui exécuta les expériences si variées que nous avons signalées plus haut, concernant l’action de l’arc métallique sur les contractions musculaires des animaux, c’est un chirurgien français, le célèbre Larrey, qu’il faut citer comme s’étant occupé le premier de ce genre d’expériences sur l’homme.

En 1793, Larrey communiquait à la Société philomatique le résultat d’une expérience très-intéressante sous ce rapport. Ayant pratiqué l’amputation de la cuisse à un homme dont la jambe avait été écrasée par une roue de voiture, il voulut répéter sur ce membre amputé, les expériences de Galvani et de Valli. En conséquence, il disséqua avec soin le nerf poplité et toutes ses ramifications. Il enveloppa ensuite d’une lame de plomb, le tronc de ce nerf, et mit à découvert les muscles gastrocnémiens. Lorsqu’il vint à toucher à la fois avec une lame d’argent ces muscles et l’armature de plomb qui enveloppait le nerf poplité (figure 331, page 645), il provoqua de très-forts mouvements convulsifs dans la jambe et même dans le pied du membre amputé[2].

Le docteur Stark répéta avec le même succès cette expérience de Larrey. Richerand, Dupuytren et Dumas l’exécutèrent aussi[3].

Dans l’hôpital militaire établi alors à Courbevoie, la même expérience fut répétée par le chirurgien J.-J. Sue, qu’il ne faut pas confondre avec P. Sue, bibliothécaire de l’École de médecine de Paris, et auteur de l’Histoire du galvanisme. Ayant amputé la cuisse d’un soldat âgé de vingt-six ans, ce chirurgien enveloppa le nerf poplité d’une armature de plomb, et touchant avec une lame d’argent les muscles gastrocnémiens et l’armature du nerf poplité, il provoqua des mouvements très-prononcés dans tous les muscles de la jambe.

Plusieurs autres expériences semblables faites par Gentilli, Crève et Stark, sur des bras et des jambes amputés, ont été recueillies dans un ouvrage de Pfaff publié à Kiel à propos des expériences d’Alexandre de Hum-

  1. Tome II, page 849.
  2. Bulletin de la Société philomatique, mai et juin 1793, nos 23 et 24.
  3. Dumas, Principes de physiologie, t. II, p. 312.